Monsieur Optimiste

Bruxelles | Théâtre | Théâtre des Martyrs

Dates
Du 12 novembre au 12 décembre 2015
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre de la Place des Martyrs
place des Martyrs, 22 1000 Bruxelles
Contact
http://www.theatre-martyrs.be
billetterie@theatre-martyrs.be
+32 2 223 32 08

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Monsieur Optimiste

Ses parents vont surmonter beaucoup d’épreuves, de leur voyage de noces sous les bombardements, à une amitié imprudente avec un Allemand qui se révèle espion du IIIe Reich, de la perte de la sœur cadette dans le ghetto de Varsovie à la clandestinité. Dans ce spectacle, tantôt burlesque, tantôt poignant et nostalgique, c’est bien sûr l’Histoire du XXe siècle qui se dessine en filigranes. En 2013, ce roman a reçu le prix Rossel.

Distribution

Avec Daphné D’Heur et Fabrice Rodriguez - Adaptation théâtrale du roman, Mise en scène & Scénographie Christine Delmotte

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1 Message

  • Monsieur Optimiste

    Le 19 novembre 2015 à 22:37 par Yuri

    Ce roman adapté pour la scène est une histoire pleine de douceur. En rangeant les archives de ses parents décédés, Alain Bierenbaum découvre au fil des formulaires divers et des documents conservés la vie rocambolesque de son père pendant la Seconde Guerre Mondiale.
    Si la scénographie hésite entre utilitarisme et évocation poétique, la mise en scène est clairement tournée vers le quotidien. En cela, Christine Delmotte arrive - avec le talent de Daphné D’Heur et Fabrice Rodriguez - à nous faire vivre la vie de toute une famille pendant la guerre. Toutefois, et c’est la grande force du spectacle, le style ne tombe pas dans le naturalisme, mais se tourne vers une forme de conte contemporain narré à deux voix.
    Les deux comédiens sautent du narrateur aux personnages avec une grande clarté. Leur sens du rythme offre au public la respiration qu’il faut pour aborder une matière aussi dure que l’Holocauste et ressortir de la salle en assurant que "Monsieur Optimiste" était un bon spectacle.
    Yuri Didion, éduc’artiste

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Mercredi 25 novembre 2015, par Jean Campion

Mon père, un héros ?

Séduite par l’humour d’Alain Berenboom, Christine Delmotte avait monté sa première pièce "L’Auberge espagnole", au Palais de Justice de Bruxelles. Adapter au théâtre "Monsieur Optimiste" (Prix Rossel 2013) lui tenait à cœur. Ressuscitant la vie sous l’occupation nazie, ce roman lui rappelle son grand-père, arrêté comme résistant en 1942. Cependant l’autodérision d’Alain Berenboom empêche son récit de sombrer dans la nostalgie. Il est émouvant mais drôle. Un équilibre subtil, parfaitement respecté par la mise en scène tonique de Christine Delmotte.

Constatant qu’il ne savait presque rien de ses parents, Alain Berenboom reconnaît : "Je n’ai jamais eu la curiosité de les interroger, avant de fouiller leurs archives, comme si j’essayais de m’arracher les ongles à soulever leurs pierres tombales." A travers ces témoignages du passé, il découvre un père aventureux, menacé par son optimisme indécrottable, mais protégé par la chance. A la fin des années 20, Chaïm Berenbaum, immigré polonais, étudie la pharmacie à Liège, puis s’installe à Bruxelles, où il tombe amoureux de Rebecca, originaire de Vilnius. Bien que la guerre éclate et qu’il déteste les rabbins, il se marie religieusement avec sa "princesse lituanienne". Leur voyage de noces, à vélo, se termine à Boulogne-sur-mer... en plein bombardement. Retour précipité, sans la valise égarée par les Chemins de fer. Pendant des mois, Rebecca prétendra naïvement la récupérer, en multipliant les lettres de réclamation.

Chaïm manque tout autant de discernement. Il était à cent lieues d’imaginer que Thomas, son ami allemand, puisse être un espion du IIIe Reich. Pourquoi, obéissant à l’ordonnance d’octobre 1940, s’est-il empressé d’inscrire son nom et celui de sa femme sur le registre des juifs ? Si un flic belge ne lui avait pas ouvert les yeux, il aurait probablement rejoint Malines, gare de départ vers les camps de la mort. Condamné à passer d’une planque à l’autre, il échappe par miracle à une arrestation. Rebecca meuble cette vie clandestine, en remplissant ses cahiers de recettes de cuisine... Des mirages pour oublier la faim. La paix revenue, elle demande à souffler, rêve d’un frigo américain, alors que son mari voudrait larguer son officine, pour aller vivre dans un kibboutz, en Israël.

Grâce à la traduction de lettres écrites en yiddish, on voit revivre la famille restée à Makow, le village natal de Chaïm. Frania, la grand-mère est avide de nouvelles. Cette femme simple, qui respire la joie de vivre, sera l’unique rescapée de l’Holocauste. Son mari, Aba, ne décolle pas de la synagogue. Ce bigot autoritaire rappellera en Pologne sa fille, qui étudiait à Bruxelles. Pour son malheur. Prisonnière du ghetto de Varsovie, la douce Sarah espérera candidement lui échapper. Makow avance, les yeux fermés, vers la tragédie imminente.

Les deux comédiens se passent souplement le relais, pour jouer le rôle d’Alain, mais aussi de tous les personnages et pour commenter des documents projetés sur écran (photos, lettres, affiches, journaux) ou diffusés par la radio. Ces témoignages parfois glaçants nous imposent une vérité historique implacable. Cependant, la mise en scène alerte et inventive déjoue le piège du didactisme. Passant de la perplexité à l’indignation, de l’ironie à l’émotion, les meneurs de jeu très dynamiques font de cette enquête un spectacle léger et profond. La voix de Daphné D’Heur donne aux chants yiddish une résonance poignante. Fabrice Rodriguez, souvent moqueur, confirme la distance pudique de ce roman autobiographique.

Chaïm Berenboom était paradoxal. Athée, il lisait assidûment la Bible. Fallait-il l’enterrer religieusement ? Alain en doutait, mais il s’est senti rasséréné, après avoir récité maladroitement le kaddish. Pharmacien complaisant, cet immigré était devenu un bon Belge, admirateur de Tintin et supporter des champions cyclistes. Et pourtant le désir d’aventure l’habitait toujours. Une certitude : ce père a voulu épargner à son fils l’indicible et le protéger, notamment en flamandisant son nom. Cela n’a pas empêché un élève de traiter le petit Alain de "sale juif". Le plus terrible n’était pas l’insulte mais le discours du prof, rappelant les victimes des chambres à gaz. Ces six millions de juifs étaient morts. "Tandis que moi, j’étais vivant et je devais continuer à vivre tous les jours, au milieu de mes quinze condisciples, brusquement marqué par le sceau de l’étoile jaune, à laquelle j’avais échappé."

Théâtre des Martyrs