Jeudi 21 février 2019, par Laure Primerano

En quête de Raiponces.

Avec les beaux jours, Jan-Christoph Gockel revient au Théâtre National où il avait présenté, au Printemps dernier, sa vision de Frankenstein. Cette année, il met à l’honneur deux figures emblématiques de l’imaginaire populaire : les frères Grimm. Calfeutrez-vous donc dans votre siège et préparez-vous à retourner en enfance le temps d’une soirée, à la découverte d’un univers où sont tapis dans l’ombre autant de sorcières que de princesses en quête d’un baiser.

Hansel et Gretel, le petit chaperon rouge, Blanche-Neige,... les contes légués par les frères Grimm ont marqué l’enfance de presque tous les occidentaux. Au-delà des fables qui ont fait leur renommée dans nos régions, ces deux linguistes et philosophes ont également œuvré pour la langue Allemande, en défendant une vision globale qui unit peuple, linguistique et littérature. Venus tout droit de leur pays d’origine, Jan-Christoph Gockel et sa troupe s’installent au Théâtre National pour nous plonger, durant les 3 heures d’un spectacle visuellement toujours plus somptueux, dans l’univers des deux frères.

Sur un large plateau brumeux se mêlent sans distinction scènes de la vie familiale, extraits de contes et rappels d’événements historiques dont les répercutions affecteront la vie personnelle et philosophique des protagonistes. Le jeu de lumière, l’ambiance sonore et l’usage constant de marionnettes, figures emblématiques de l’enfance que la troublante ressemblance avec les acteurs teinte d’étrangeté, donnent à l’ensemble une atmosphère onirique, presque fantasmagorique. Par dessus les rires, la colère et la peur, un sentiment d’inquiétante étrangeté vient napper la pièce : l’Unheimliche, si cher aux frères Grimm.

Le quatrième mur est constamment brisé, au travers d’improvisations, de passages spontanément traduits par les comédiens en Français ou en Anglais ou de jeux avec le public. À l’instar d’une pièce où se mêlent et s’entremêlent l’histoire, grande ou petite et les fantasmes populaires, nous sommes sans cesse emportés au cœur de rêveries fantasques pour mieux être ramenés ensuite à la paisible réalité de nos sièges de théâtre, dans un va et vient aussi déconcertant qu’enivrant.

En toile de fond, présente aussi bien dans l’imaginaire que dans la physicalité concrète du plateau, l’œuvre titanesque construite par Jacob et Wilhelm Gimm, tel un bon géant, habite les comédiens comme elle habite encore aujourd’hui les forêts profondes de notre enfance.

Envoûtant du début à la fin, GRIMM - Ein deutsches Märchen, nous emmène dans un long voyage qui nous garde sans cesse sur le fil. Par des images fortes, elle nous fait re-découvrir l’histoire de deux hommes dont l’univers a touché le siège des émotions de milliers d’humains à un âge où celles-ci sont les plus pures et les plus violentes. Un retour aux origines tant pour les contes que pour nous.