Samedi 16 mars 2019, par Laure Primerano

Dom Juan vous invite à dîner

Est-il encore nécessaire de présenter Dom Juan, coureur de jupons invétéré dont le nom est désormais rentré dans la langue Française ? Le Théâtre de la Chute s’empare de ce classique des classiques pour en extraire, comme dirait Rabelais, la « substantifique moelle », espérant ainsi faire résonner chez un public du 21ème siècle un texte écrit quelque 4 siècles auparavant.

Le monde entier connaît Dom Juan et, si ce n’est pas par Molière, Mozart s’est chargé, avec son opéra éponyme, d’internationaliser le personnage à la fin du 18ème siècle. C’est aujourd’hui Benoît Verhaert qui reprend, au Petit Varia, l’œuvre dans son texte intégral dans le cadre d’un triptyque rassemblant deux autres géants de la littérature Française : “L’étranger” d’Albert Camus et “On ne badine pas avec l’amour” d’Alfred de Musset. Au centre de ces trois œuvres se trouve l’amour et avec lui, la notion de dialogue, essentielle à l’expression des sentiments.

Qui peut mieux parler d’amour que Dom Juan ? Charnel pour l’un, mystique pour l’autre, pur et désintéressé par moments, il y est présent sous toutes ses formes. Pour son adaptation, le Théâtre de la Chute a choisi d’approcher l’œuvre au travers du prisme du couple, figure sans doute la plus représentative de l’amour dans notre société. Ce couple emblématique, qui porte à lui seul toute la puissance de l’intensité dramatique, c’est Dom Juan et Sganarelle, son valet. Les autres personnages sont mis de côté, peu à peu, leurs contours s’effacent. Joués par les deux mêmes acteurs, souvent cachés sous des masques ou incarnés dans des marionnettes, leur seul but semble de faire évoluer la trame narrative menant le héros vers son inexorable fin.

Le décor est également réduit à son minimum et seule l’utilisation de la guitare électrique vient dépoussiérer un tant soit peu un texte qui, s’il reste magnifique, aura sans un doute quelques difficultés à captiver les oreilles les plus jeunes. Ainsi mise à nu, la trame de Dom Juan, et le questionnement qui la sous-tend, se trouve réduite à sa plus simple essence. Le spectacle fait la part belle aux discussions animées qui opposent Dom Juan, épicurien et athée à Sganarelle, croyant plein de repentir. Isolées par les choix du metteur en scène, ces discussions trouvent un écho particulier aux oreilles d’une audience contemporaine. Elles nous entraînent dans des réflexions que l’action effrénée de la pièce aurait facilement pu nous faire mettre de coté.

En supprimant le superflus et en focalisant l’action sur les personnages principaux, Benoît Verhaert dynamise un classique du théâtre et le rend plus accessible. Une légère modernisation du texte original aurait cependant pu aider à parachever la réalisation de cette idée pleine de charme.