Dire ce qu’on ne pense pas dans des langues que l’on ne parle pas

Théâtre | Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Dates
Du 28 mai au 7 juin 2014
Horaires
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Dire ce qu’on ne pense pas dans des langues que l’on ne parle pas

C’est à Bruxelles qu’errent, perdus, les deux personnages principaux du spectacle. Viscéralement ancré dans le réel, le théâtre d’Araujo est cependant toujours traversé d’une intense charge poétique, d’une douce étrangeté dans le traitement. Texte de Bernardo Carvalho | Mise en scène : Antônio Araùjo
Production du Festival d’Avignon 2014, du Théâtre National/Bruxelles en collaboration avec le Teatrul National Radu Stanca/Sibiu
Avec le soutien du Programme Culture de l’Union Européenne dans le cadre du projet Villes en scène/Cities on stage.
Du 13 au 24 mai à 20h15, les mercredis à 19h30, le dimanche à 15h et les vendredi et samedis représentations supplémentaires à 23h, au Théâtre National.
Prix : 19 € - 15 € - 10 €
Réservation : 02/203.53.03

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3 Messages

  • Dire ce qu’on ne pense pas dans des langues que l’on ne parle pas

    Le 29 mai 2014 à 03:38 par Doctora

    SUPER ! À ne pas manquer !...
    Un texte de Bernardo Carvalho,
    mis en scène par Antonio Araújo, tous deux Brésiliens. Créée à
    Bruxelles par le Théâtre National dans le cadre de "Villes en
    scène" et jouée dans l’espace grandiose de la Bourse, la pièce
    sera ensuite recrée à Avignon dans l’hôtel des Monnaies en juillet
    2014. Les lignes me manquent ici pour dire toutes les qualités de ce
    spectacle exceptionnel, le meilleur sans doute de tout ce que j’ai pu
    voir ces dernières années : une exploitation étonnante de l’espace,
    une manière souple d’intégrer les spectateurs dans le mouvement de
    la pièce, une maîtrise parfaite des moyens techniques de mise en
    scène, des acteurs excellents, un contenu à la fois ancré dans
    notre réalité actuelle et profondément poétique...

    C’est l’histoire d’un
    Brésilien qui, fuyant la dictature, s’est exilé à Bruxelles.
    Rentré au Brésil, il est devenu aphasique après la mort de son
    épouse. Sa fille, économiste, vient à Bruxelles pour participer à
    un congrès. Elle y emmène son père, espérant que ses souvenirs
    lui permettent de récupérer la parole. Mais la ville a bien changé,
    et le père disparaît. À sa recherche, la fille erre dans Bruxelles
    et rencontre divers personnages, qui provoqueront en elle une
    transformation radicale. Nous ne dévoilerons pas la fin de cette
    histoire, qui est surprenante et pourtant très logique.

    Quel plaisir d’apprécier la
    justesse de chaque scène : le coktail des congressistes, les
    voyageurs passant la douane, la salle du congrès, les souverains du
    haut de leur balcon, les manifestants, le groupe de touristes... À
    chaque fois, on s’y croirait !

    Le titre "Dire ce qu’on ne pense pas dans des langues qu’on ne parle pas" se retrouve en filigrane tout au long de la pièce. Il s’agit toujours de la parole et de la voix. Les personnages parlent différentes langues (au besoin, la traduction en français est projetée). Plusieurs meurtres sont commis, chaque fois par étranglement. Le père aphasique dit quelque chose à l’oreille d’un douanier qui, sur le coup, arrête de violenter une touriste. Plus tard, cet homme répétera cette phrase à l’oreille de la fille. Mais la phrase ne nous sera pas dévoilée. Il me semble qu’elle agit comme le mot inconnu du poète dans "La parabole du palais" de Borges, ce mot qui résume l’univers, et qui est capable de détruire un palais. C’est la puissance de la parole authentique.

    À tous points de vue (espace et temps), le spectacle est "in situ" : il nous parle de crise économique dans l’espace de la Bourse ; et, au lendemain des élections (régionales, fédérales et européennes), il nous propose de couper les mains à tous les politiciens corrompus et nous invite à refuser toute représentation !

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  • Dire ce qu’on ne pense pas dans des langues que l’on ne parle pas

    Le 1er juin 2014 à 11:17 par faser

    Ce spectacle vaut la peine en effet pour au moins deux raisons. Il exploite les moindres recoins de l’ancienne Bourse et propose ainsi une reconversion culturelle. Il invite au dialogue dans la cité en s’exposant d’ailleurs à être pris à partie. La mise en scène est colorée, l’ambiance musicale omniprésente (trop !), les scènes sont en revanche un peu décousues. A voir cependant

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Vendredi 30 mai 2014, par Catherine Sokolowski

Valeurs en baisse

Rendez-vous à la Bourse, temple réaffecté pour un soir au constat des dérives d’un système dont il est l’emblème. Acteurs ou anonymes, la foule colorée massée devant le majestueux bâtiment attend. Faut-il secourir le SDF couché sur le trottoir ? Une femme enceinte escalade la porte d’entrée, surplombant les badauds patients. Cette scène incongrue, qui devrait déranger, rassure : il s’agit d’une mise en scène, cela ne peut pas être (entièrement) la réalité. En effet, il s’agit seulement de la théâtralisation des crises qui malmènent la société, une overdose de malaises qui débouche sur une nausée, qui toute poétique qu’elle soit, ne laissera personne indifférent.

La mise en scène du texte de Bernado Carvalho par Antonio Araùjo est exemplaire. Spécialisée dans la reconversion temporaire de lieux improbables (prisons, églises, hôpitaux, fleuve Tietê à Sao Paulo…), Araùjo maîtrise parfaitement l’utilisation des espaces et les techniques connexes.

Comme trame de fond, l’histoire d’une économiste (Claire Bodson) qui vient donner une conférence à Bruxelles, accompagnée par son père (Didier De Neck) qui n’a plus prononcé un mot depuis la mort de son épouse. Fuyant la dictature de son pays, l’homme avait trouvé refuge à Bruxelles des années plus tôt et sa fille espère que ce retour au passé pourra le guérir de l’aphasie dont il est victime. Comme fil conducteur, la langue, les langages, le mutisme et l’incompréhension. Avec l’idée du théâtre comme « méga-église » pour témoigner et conscientiser. Et finalement comme constat, la perte de repères, Bruxelles (et toutes les villes qu’elle symbolise) n’est plus la même et, surtout, ses habitants ont changé.

La succession des saynètes est fluide et maîtrisée. Certaines sont incontournables. Un soir, le père disparaît. Sa fille erre à sa recherche et finit dans un bar sordide, au milieu de la nuit. Ouverture des baies vitrées du bâtiment, mélodie lancinante, ivrognes, drogués, dialogue absurde avec un transporteur d’ordures, l’atmosphère rendue par le metteur en scène transpire de vérité, le spectateur voudrait consommer ou … s’en aller ! Quelques minutes plus tard, forcée de dégager par une horde de SDF mécontents, la foule de spectateurs se retrouve amassée devant l’ambassade d’un pays lointain, manifestant malgré elle. Du balcon, l’ambassadrice propose une récompense pour toute main de politicien coupée et rapportée. La représentation doit cesser ! Y compris ses propres mains, qui la représentent ?

Le texte multiplie les allusions à la Belgique, à son passé (mains coupées sous Léopold II), à son présent (problèmes de langues), au Brésil (FIFA go home), mais aussi au monde entier (mouvement Femen, spectre de la déflation, apologie de l’individualisme, chômage, montée du fascisme, faillite de banques,…). Alors faut-il analyser chacune de ces références ou plutôt s’imprégner du message global qu’elles sous-tendent ? Cette création fait partie du projet « Villes en scène », qui lie désormais Avignon avec d’autres hauts lieux du théâtre. La pièce parle de Bruxelles, de Berlin (ville dans laquelle le groupe était en résidence au moment de l’invitation à rejoindre le projet), de Paris ou de toute autre mégapole. Pourtant les références sont si claires qu’elles suscitent l’interrogation. Quand une équipe brésilienne dénonce l’interdiction d’utiliser le néerlandais dans les tranchées, cela surprend. Mais la mixité culturelle est l’un des objectifs du projet.

Théâtre témoin ou accusateur ? L’accumulation de faits ne nuit-elle pas au propos ? Chacun se fera son idée mais ne sortira pas indemne de la représentation : le but est atteint et l’exploitation du lieu mérite sans conteste cinq étoiles. Ce spectacle, qui sera présenté au festival d’Avignon dans l’Hôtel des Monnaies, mérite indéniablement le détour.

Théâtre National Wallonie-Bruxelles