Lundi 21 décembre 2015, par Catherine Sokolowski

Western abouti

Va-et-vient entre réel et imaginaire, « Alive » doit permettre à Emmanuel Dekoninck de tuer définitivement le cow-boy « Black », compagnon de jeux qu’il s’était construit dans l’internat où il a passé son adolescence. Comme il le faisait à l’époque, le comédien nous propose une épopee à travers le Far West dont l’issue doit être cette mise à mort. Accompagné par Gilles Masson, acteur et musicien, et Juan Borrego à l’éclairage, les comparses s’en donnent à coeur joie, dans ce spectacle touchant et drôle.

Léger, divertissant, émouvant, on entre dans « Alive » comme on commence une bande dessinée, à une différence près : les personnages sortent de temps en temps du récit pour rencontrer le réel. Sur scène, aucun décor, il faudra les imaginer en s’appuyant sur les costumes, quant à eux, soignés. Gilles assure la bande son des séquences du western et remplace occasionnellement Manu (à moins que ce ne soit le contraire). Très proches du public, les comédiens quittent facilement leurs rôles pour donner un avis, suggérer la suite, parler entre eux ou... se disputer.

En découvrant cette histoire où il est question de révérend, de saloon, de notaire, de colonel, de massacre, de chef indien, de bordel et de vengeance, personne n’a envie d’assister à la disparition du héros. Majestueusement interprété par Benoît Verhaert, Black est le seul personnage fictif sur scène. Les rencontres subtiles entre réalité et imaginaire sont l’essence de ce spectacle mais Black, lui, doit rester de l’autre côté du miroir : toute tentative pour le ramener au réel ne peut qu’échouer. Avec un message clair et optimiste qui est celui de privilégier la réalité, Emmanuel Dekoninck surprend, puisque le théâtre est au cœur du rêve et offre en général une échappatoire au quotidien.

« Peut-on tuer la fiction si on est dans la fiction ? » Pour le savoir, il faudra aller voir. Court et accessible, il est possible de découvrir ce spectacle en famille, chacun pouvant apprécier la pièce avec ses propres codes. Quant au plaidoyer pour la réalité, il n’est pas interdit de retourner à ses rêveries en rentrant chez soi, après avoir découvert Black ! Pocatello, grand chef indien, n’a-t-il pas dit que « la force de l’homme blanc se cache dans les fabulations » ?