Lundi 16 janvier 2017, par Yuri Didion

Vieillir, c’est pas drôle !

BUG, c’est l’histoire d’une vieille dame qui attend le passage du temps, histoire d’une vie intérieure, histoire d’une vie antérieure entre souvenir et désirs. Dans le silence et la monotonie, chacun est libre de se créer sa propre interprétation.

Sur scène, une marionnette toute ridée et sa manipulatrice, un contrebassiste et son instrument, une radio, des caramels sur un guéridon et une paire de chaussures en attente. La petite vieille se lève, fait le tour de son intérieur, profite un peu de la radio, hésite à prendre une sucrerie, regarde la vie extérieure qui passe, hésite à sortir. Dans cette lenteur de la vie canonique surgit ponctuellement l’alter-ego du souvenir, une elle-même plus jeune incarnée par la manipulatrice qui, par un dialogue muet, tâche de lui redynamiser l’existence.

Travail de manipulation impressionnant donc, puisqu’au-delà de donner vie, Giulia Palermo fait de sa marionnette une créature tangible : elle respire, marche, se prend les mains comme une dame très âgée. Pour le public, l’émotion de la manipulation – celle qui nous prend lorsqu’on voit un objet inanimé se transformer en personnage vivant par un simple mouvement d’épaule qui évoque la respiration, un petit geste de la main qui montre le quotidien – est forte.

Si le spectacle peut sembler long, c’est sans doute dû au choix dramaturgique « sans parole, sans anecdote » qui ne permet pas une grande narration. D’autant que des paroles et des anecdotes, il y en a : la marionnette et les souvenirs s’expriment en grommelot, elle se lève péniblement, danse un peu, réveille son arthrose à la hanche, … Mais si l’on ne rentre pas dans cette écriture particulière, les cinquante minutes paraissent longues, malgré la finesse du travail d’interprétation et de manipulation.

Quant à Alejandro Aymi, le contrebassiste, il participe pleinement au décor. Les musiques live sont de l’ordre de l’illustration, du soutien à l’émotion, plus que d’une participation à la narration. Ce qui donne la sensation d’un manque : manque de rapports entre la marionnettiste et son partenaire de scène, manque de place pour cet autre artiste qui ne participe pas à l’histoire. On peut dès lors se demander pourquoi ne pas l’avoir chargé de toute la musique du spectacle ? Surtout qu’il fait preuve d’une belle maîtrise de son instrument, autant lorsqu’il illustre la respiration craquante de la marionnette qui s’éveille que lorsqu’il crée les ambiances avec une musique très contemporaine.

C’est donc un spectacle complexe qui nous proposent les Riches-Claires, oscillant entre la tristesse d’une vie qui ralentit et la richesse d’une vie derrière soi.