Mercredi 9 janvier 2013, par Karolina Svobodova

Une solitude partagée

Dans le cadre de Toernee General, le KVS et le Théâtre National présentent les moments forts de ces dix dernières années. A cette occasion, le public francophone est invité à se rendre au Théâtre Royal Flamand afin d’assister à des représentations de troupes néerlandophones jouant pour l’occasion en français. Pour le collectif anversois tg STAN, ce n’est pas une première ; la compagnie est connue pour son travail sur la langue et sa capacité à faire résonner le texte aussi bien en néerlandais qu’en anglais et en français.

« Le chemin solitaire » est une pièce du dramaturge et psychiatre viennois Arthur Schitzler, écrite au tout début du XXème siècle. Elle traite de ce thème éternel qu’est la filiation, mêlée à la possibilité de l’exercice de la liberté, comprise comme la capacité à faire des choix. Cette question habite les personnages jusqu’à les hanter.
Sur scène, deux générations face à leurs choix : l’ancienne qui est poursuivie par les décisions du passé qui déterminent son présent et avenir, la nouvelle qui ne peut échapper à ce legs des parents en même temps qu’elle essaye de se situer elle-même. Jusqu’à quel point sommes-nous libres ? Qu’en est-il de la maîtrise de notre destin ?
S’il apparaît que la liberté n’est qu’une illusion, les personnages n’échappent cependant pas à leur responsabilité, au contraire… ce sont bien les pérégrinations de sujets engagés, voire même empêtrés dans la question de leur responsabilité que nous suivons sur scène.

Ces thèmes sont chers à tg STAN qui construit sa pratique artistique autour de la responsabilité de l’acteur et de public. Pour rendre compte de cela, les acteurs ne se cachent jamais derrière le masque d’un personnage, ce sont bien eux que nous voyons jouer à sur scène. Le terme de jeu est essentiel : chez tg STAN pas d’incarnation ni d’identification. On casse l’illusion pour mieux interpeller : on retrouve Brecht et les différents procédés de la déconstruction. Pour « Le chemin solitaire » le procédé le plus frappant est certainement la démultiplication des voix. Les acteurs se « passent » les personnages : changement de place, changement de costume ; on inverse les rôles. Et nous, dans notre fauteuil, on se dit : ça pourrait être moi. On ne s’identifie pas mais on se projette. Car si le texte fut écrit à une autre époque, les questions existentielles qui rongent les personnages sont celles qui ont habité l’homme de tous temps.

Un spectacle émouvant, déconstruisant les conventions théâtrales pour mieux rendre compte des fonctions critiques de cet art, lui permettant ainsi de rester actuel et vivant.

Karolina Svobodova