Une société de services

Théâtre | Théâtre Les Tanneurs

Dates
Du 11 au 15 octobre 2011
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Une société de services

Une société de services créationFrançoise Bloch / Zoo Théâtre11 > 15.10.2011 – 20h30 Dans la suite logique de leur précédente création, Grow or Go (et leur plongeon dans la consultance en entreprise), Françoise Bloch et son équipe creusent à nouveau la question du monde du travail aujourd’hui. Ils prennent cette fois pour point de départ l’autre bout de la « pyramide » : le milieu du télémarketing et ses jeunes opérateurs aux salaires précaires et aux conditions de travail résolument cadencées...Nourris de documentaires et d’investigations sur le terrain, cinq acteurs pointent avec un esprit ludique la réalité de ces larges plateaux où, en rang d’oignons, des jeunes (la plupart « débutants » professionnellement) appellent le monde entier pour vendre… à tout prix !Un portrait scénique volontairement fragmenté, où l’interaction jeu-vidéo-son questionne, non sans humour, l’intimité fragilisée de ces voix de la vente. Pour une critique, jusqu’à l’absurde, des conséquences sur l’individu d’un système fondé sur la croyance illusoire en une « croissance constante de la rentabilité », voire en un « progrès sans fin ».Dans une telle perspective, quelle(s) valeur(s), quel(s) rêve(s) peut encore renfermer le mot travail ? Une question cruciale et cruelle que pose Une société de services sous des airs pourtant presque légers voire anodins.

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Vendredi 14 octobre 2011, par Jean Campion

Une Société de sévices

"Grow or go" (2009), la précédente création de Françoise Bloch, nous plongeait, avec une froideur calculée, dans l’univers inhumain de la consultance en entreprise. Le portrait du télémarketing, dressé par "Une Société de services", est tout aussi angoissant. S’appuyant sur des témoignages et des enquêtes, la metteuse en scène et son équipe donnent à nouveau leurs lettres de noblesse au REEL, comme source d’inspiration. Sans pathos, ni diatribes, ni confidences intimes, ce spectacle, teinté d’un humour décalé, nous montre l’homme formaté et broyé par le système. Une autopsie qui nous interroge sur le sens du travail aujourd’hui.

Après avoir égrené une litanie de jobs alimentaires, "offerts" aux jeunes, deux filles deviennent opératrices de call center. Conversations identiques qui s’entrechoquent, même jovialité commerciale et en duo l’hymne : "Belgacom, nous sommes les meilleurs !" A côté de ces deux spécimens, il faut en imaginer des dizaines d’autres, coincés dans leur cagibi, sur un immense plateau, rouge du sol au plafond. C’est ce que nous explique Pierrick De Luca, un comédien qui a travaillé dans un tel centre. Prisonnier de l’ordinateur et abruti par la musique "techno-accordéon", que lui impose son chef, il tente de transformer les "contacts argumentés" en ventes. Chaque victoire, remportée dans ce boucan, est signalée par un trait rouge. Sur le grand tableau !

Celui-ci rend compte aussi des retards, de la longueur des pauses, du nombre d’appels, de leur rentabilité. Constamment fliqués, les opérateurs apprennent à arnaquer le client, en l’entraînant dans la spirale du "oui" ou en jouant sur la corde sensible. Un coach les débarrasse de leurs tics de langage par un conditionnement implacable. Quand un bon élément veut renoncer à cet esclavage, une DRH rouée le manipule pour le retenir. La seule question qui préoccupe la direction : comment "dupliquer" les employés les plus performants ?

On mesure les dégâts de cette robotisation à travers quelques scènes dramatiques. Cependant, "Une Société de services" est une pièce moins tendue que "Grow or go". En effet, Françoise Bloch recourt fréquemment à une ironie subtile et aère le spectacle par certaines séquences franchement drôles. Juché sur un cerf majestueux, un opérateur croit s’évader dans la forêt et bute sur...le tableau constellé de traits rouges. Un autre s’efforce de trouver une justification à son travail, dans un monologue délirant. Grâce à la fluidité de la mise en scène, les quatre comédiens passent d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’aisance. Le ballet de leurs chaises de bureau à roulettes et la vidéo, en contrepoint de l’action, donnent de la cohésion et du dynamisme à cette succession de tableaux. Dommage que la pièce s’essouffle, en évoquant les retombées d’une restructuration.

Sur l’écran, un extrait des "Temps modernes" nous montre Charlot luttant désespérément contre la cadence infernale du travail à la chaîne. Il est englouti par la machine et se retrouve coincé dans ses engrenages. Cette image, filmée par Chaplin en 1936, est toujours d’actualité. On a allégé les tâches physiques de l’homme, grâce à des machines de plus en plus performantes. Mais il est toujours tyrannisé par l’obsession du rendement. Comme en témoigne l’épidémie de suicides chez France-Télécom.

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