Lundi 14 mars 2022, par Palmina Di Meo

Une cérémonie

Salves d’applaudissements à s’en rompre les doigts pour "Une cérémonie" par le Raoul Collectif au Théâtre National.

Déconfinement et envie de trinquer ensemble, le Raoul Collectif nous invite à un cérémonial festif. Oui mais dans quel contexte ?
En plein chaos, comment introduire un discours ? Toute tentative philosophique semble tourner au ridicule. D’ailleurs, nous sommes d’emblée avertis : inutile de chercher une logique, on risque de s’y perdre.
Alors on improvise, l’alcool aidant, on peut tenter de dresser l’inventaire de ce qui nous reste ou chanter la rébellion mais nous ne sommes plus aux temps d’Antigone et les figures légendaires ne font plus vraiment recette. Shakespeare, Antigone, Don Quichotte, appelés à notre secours, peuvent-ils rencontrer notre tragédie ?

Il reste la musique. Le jazz, cet art musical de la révolte aux rythmes rapides et entraînants, le Raoul Collectif va s’en servir pour improviser un spectacle qui restera jusqu’au bout une aventure sur des sables mouvants.

Un espace scénique tri-frontal avec au centre des assemblages de chaises de jardin, un bar et des instruments de musique, ce sont là les éléments d’un décor qui vont "littéralement" s’animer pour transformer ces retrouvailles plutôt moroses en un délire endiablé. Au-dessus de ce qui se déploie comme un déferlement d’énergie et de violence à peine contenue, plane la menace sous forme d’un immense volatile tentaculaire que l’on actionne par une simple pression.

Joués en live par les membres du collectif, chantés, les airs de Duke Ellington et de Charlie Parker (Bird) créent le dialogue et font monter la tension, l’urgence de la réflexion partagée à la cadence, aux pulsations des percussions.

C’est au Bénin que le Collectif a trouvé une source d’inspiration, dans les danses et rituels vaudou d’extirpation du mal avec leurs coiffes, leurs masques en raphia, les transes et les valses violentes de chaises. Les masques animaliers (magnifiques costumes de Natacha Belova) nous renvoient à la mythologie grecque, à la provocation narquoise d’un Centaure. Le Raoul Collectif titille le public. Que faut-il pour nous réveiller ?

Anne-Marie Loop qui participe à la fête tout en assurant un regard extérieur précise que le Collectif travaille sans fil conducteur, sur le mode du dialogue improvisé, chacun répondant à la proposition d’un autre tel un orchestre où les instruments se complètent, pour former une composition en constante mutation, dont le coeur bat sur le tempo du jazz.

De la fête, encore et encore, pour conjurer le sort, avec comme lame de fond un humour incisif... et libératoire.

Palmina Di Meo

Photo : David Murgia