Jeudi 26 janvier 2012, par Joséphine

Une Amélie aux corps multiples

Dans Le Sabotage Amoureux, la deuxième adaptation au théâtre d’Amélie Nothomb par Christine Delmotte, on fait rimer « Amour » avec « jeu », et « jeu » avec « Guerre ». Ces mots sont la triade infernale qu’a vécu l’auteure à ses sept ans, dans un « ghetto » diplomatique, en pleine Chine communiste. L’Amour, c’est Elena, « le centre du monde » sur lequel le triomphe signifie briser l’indifférence ; et le jeu, c’est cette épopée héroïque de l’enfance, la seule assez digne d’être vécue, la seule, la vraie, la guerre. Amour et jeux guerriers sont les écoles savoureuses d’Amélie, qui nous raconte sa découverte de la cruauté de l’enfance conjuguée à l’humour et le dynamisme d’une mise en scène haute en couleur.

Sur une scène reconvertie en plaine de jeu, les acteurs-grands-enfants remuent leurs corps, souples, fidèles qu’ils sont aux mimiques de l’enfant, à ses visages hébétés, sa gestuelle dynamique. Ils jouent de manière presque animale les intrigues effrénées d’un cœur « qui découvre tout en même temps » et qui se plaît à composer au gré des personnalités de son hôte. Christine Delmotte aime à souligner que « chacun incarne plusieurs personnages, exprimant tantôt nos parts masculines, tantôt féminines », pour faire tourner les facettes d’Amélie entre les comédiens, ce qui n’est pas sans faire rire.

Donner vie aux introspections émouvantes de l’auteure n’a jamais paru si simple car leur intensité est agréablement couplée de chants entraînants, de danses guerrières et de flashs endiablés d’une bagarre, pour faire « comme au cinéma ». Musique et chansons éloquentes se chargent de répondre en bande sonore à l’indifférence cruelle d’Elena dans un tourbillon de notes et de lumières, enracinées au plus profond de l’imaginaire coloré, à la fois du metteur en scène, mais aussi des comédiens. Le rêve se trouve dans les dessins projetés, les décors et accessoires qui illustrent une intériorité multiple, dont l’écho onduleux n’en finit jamais d’émerveiller, encore et encore.

Jean-François Roland