Jeudi 10 janvier 2019, par Catherine Sokolowski

Un sujet dont on ne parle pas

Réalisée à partir de nombreux témoignages, cette nouvelle création de Caroline Safarian décrit tendrement les heurts et malheurs associés au « second printemps de la femme », vision asiatique positive de la ménopause (du grec méno, règles, et pause, arrêt). Joyeuse, douloureuse ou déprimante, chacune vit sa propre expérience de cette étape importante ce qui n’en simplifie pas la compréhension, en particulier pour les hommes. Sur scène, Marie-Paule Kumps, Serge Demoulin et Dominique Pattuelli (qui a co-écrit la pièce avec Caroline Safarian), trio de qualité qui ne manque pas d’humour. Un joyeux moment en perspective !

Une belle grande lune assiste au spectacle, projection majestueuse en guise de décor. Un podium a trouvé sa place sur la scène, utilisé notamment comme fauteuil pour un débat, ou comme reposoir lors des intermèdes. Tour à tour, les trois comparses endossent le rôle des femmes qui ont bien voulu témoigner, avec empathie et conviction. Un homme sur scène : un regard masculin ou une exploration de la féminité ? Les deux. Serge Demoulin prend souvent le rôle d’une femme, parfois celui du mari, témoin - compréhensif ou pas -de la transformation.

« Mourir cela n’est rien / Mourir la belle affaire / Mais vieillir.../ Ô vieillir » chantait Jacques Brel. Les témoignages parlent de ménopause mais aussi et peut-être surtout du vieillissement. Ce passage, qui marque la fin de la possibilité de procréer, c’est peut-être le second printemps de la femme mais c’est aussi l’hiver de sa jeunesse. Le regard de la société sur cette évolution n’est pas tendre. Citons les propos polémiques de Yann Moix : Aimer une femme de 50 ans ? « Ca n’est pas possible. […] Je trouve ça trop vieux. Elles sont invisibles. Je préfère le corps des femmes jeunes, c’est tout. Point. Je ne vais pas vous mentir. Un corps de femme de 25 ans, c’est extraordinaire. Un corps de femme de 50 ans, ça n’est pas extraordinaire du tout. »

Bouffées de chaleur, douleurs aux articulations, prise de poids, sautes d’humeur, les symptômes évoqués sont nombreux mais ressentis de manière très différente par chaque femme. Le regard du compagnon, des femmes entre elles et celui de la société amplifient les désagréments ou facilitent cette transformation. Il y a pourtant des côtés positifs à cette ménopause, outre l’arrêt des menstruations, elle coïncide souvent avec le départ des enfants, permettant au couple de se retrouver et parfois à la sexualité de s’épanouir.

Ce spectacle a le mérite de mettre le sujet sous les feux des projecteurs, sur un ton doux et drôle, permettant ainsi de faire évoluer les mentalités. Comme le dit Caroline Safarian, l’idée n’est pas de s’apitoyer, il ne s’agit pas de présenter les femmes en victimes. La ménopause ne doit pas avoir d’effets socioprofessionnels lorsqu’elle est bien vécue. Il s’agit plutôt d’un encouragement à ce que les femmes se réapproprient le sujet pour le gérer au mieux et non dans le secret. Des initiatives sont prises (www.menopausecafe.be...), mais il reste beaucoup de chemin à faire (au niveau de la perception mais aussi au niveau médical), en faire un spectacle touchant et divertissant est un bon début. Vos témoignages sont aussi bienvenus sur le site du théâtre de poche, chaque soir un extrait est lu sur scène après la représentation.