Trois grandes femmes

Théâtre | Théâtre Le Public

Dates
Du 14 février au 6 avril 2013
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Trois grandes femmes

Au terme de sa vie, une femme fait le bilan : ses choix, ses échecs, ses espoirs et rêves réalisés. Elle se rappelle les tromperies, les alliances, les amis, la famille... Elle fait entendre dans ses aveux, le plaisir de raconter et le désir d’être pardonnée. En face d’elle, deux interlocutrices : sa dame de compagnie et une jeune avocate, qui, elles, ont encore un destin à vivre, des désillusions encaissées et des espoirs toujours tenaces. À quelques heures de la fin, quand les idées et le temps ne se mettent plus au bon endroit ni au bon moment, quand nous n’avons plus le temps de "rectifier le tir", que nous reste-t-il ? Sinon nous regarder en face et décrire ce que nous voyons ? Véritable bijou, prix Pulitzer, "Trois grandes femmes" est un portrait sarcastique qui fait résonner les drames simples d’une vie. Par l’auteur de « Qui a peur de Virginia Woolf ? », une partition inouïe, magnifiquement orchestrée, drôle et intelligente avec trois très grandes dames du théâtre !
de EDWARD ALBEE adaptation de Isabelle Anckaert
Mise en scène : Véronique Dumont Avec : Janine Godinas, Isabelle Defossé, Marie-Paule Kumps et Simon Thomas.
DU 14/02/13 AU 06/04/13

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1 Message

  • Trois grandes femmes

    Le 16 février 2013 à 10:45 par deashelle

    Trève du théâtre de représentation ! La deuxième partie fait magistralement
    voler le temps en éclats et découvre ce qui se passe dans l’âme de ces femmes.
    Il reste une seule femme, ou son double, - allez savoir- ligotée par l’espace
    de ce lit immense, démultipliée en trois âges façon Picasso. Voici la Force,
    faite Femme. C’est surréaliste, c’est intelligent, c’est d’une justesse
    psychologique surprenante. Les visages ont perdu leurs couleurs et leurs
    artifices, la vérité joue à cache-cache avec les grandes questions sur le
    bonheur. Les pronoms « je » lancinants du début ont fait place à un « nous »,
    pluriel de majesté ou celui du « nous » qui rassemble toutes les femmes, ou
    simplement le « nous » du trio féminin. Les différents Visages ont trouvé une
    douce architecture qui révèle des vérités intérieures déchirantes. … Telles des
    pythies bienveillantes les deux autres femmes expliquent à la plus jeune
    comment on change, inexorablement. Isabelle Defossé alors s’insurge avec
    une violence juvénile contre la perte d’innocence qu’elle entrevoit. Contre la
    méchanceté qui fait place à l’amour, contre l’incapacité de pardonner. Contre
    vents et marées : « Je ne deviendrai pas toi ! Je te renie. » Et moi donc ! de
    renchérir la presque centenaire ! « Je vous renie toutes autant que vous
    êtes ! » Au temps que vous êtes... Quel écho ! Une scène extraordinaire. Non moins que
    ces tirades passionnées aussi houleuses celles d’une chatte sur un toit brûlant
    de la bouche de Marie-Paule KUMPS, transfigurée par son rôle de femme
    conservatrice qui a renié son fils gay, parti de la maison à 18 ans.

    Revenons à Janine Godinas, le socle absolu de la pièce. Très
    contradictoire, touchante, irritante, pathétique parfois, mais si digne et
    forte d’elle-même. Elle aura le dernier mot. Une femme ! Trois femmes. Trois
    grandes femmes pour un seul lit. Le vaste lit du fleuve de la Vie qui s’enfuit.Trois grandes comédiennes. On sort de là comme lavés ...dans un bain de
    Jouvence.

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Lundi 25 février 2013, par Jean Campion

A chacun son vécu

Dans "Qui a peur de Virginia Woolf ?" (1962) ou "Délicate balance" (1966), ses pièces les plus célèbres, Edward Albee dénonce, à travers des jeux cruels, la perversité des rapports humains et les fausses valeurs d’une société américaine, qui se drape dans la bonne conscience et l’indifférence. Cette lucidité implacable se retrouve dans le bilan d’une existence, distillé par les révélations des "Trois grandes femmes". En confrontant trois générations dont les souvenirs se combattent, l’auteur nous fait réfléchir aux différentes valeurs, qui animent la vie et qui lui donnent un sens.

Calée dans ses coussins, une vielle dame égrène des souvenirs. Ses trous de mémoire l’agacent et elle passe ses nerfs sur sa dame de compagnie, qu’elle traite avec une sécheresse méprisante. Cette riche nonagénaire est une despote, qui impose à son médecin de faux diagnostics et qui refuse obstinément qu’une jeune avocate mette de l’ordre dans ses factures. Dans sa famille bourgeoise, où on ne ménageait pas les nègres ou les youpins, elle a appris à sacrifier ses sentiments sur l’autel de l’arrivisme. Son seul but : ferrer un mari fortuné. Elle est devenue une "grande femme", que la vieillesse rétrécit...

Cette image caricaturale d’une autocrate capricieuse se dissout dans la seconde partie. En s’affrontant, jeunesse, maturité et grand âge font émerger la trajectoire d’une vie. Isabelle Defossé fait vibrer la révolte d’une femme de 26 ans. Naïve et pleine d’espoir devant un destin à choisir, elle refuse énergiquement les compromissions de ses aînées. Et puis, désemparée, elle verra son idéal se transformer en mirage. Protégée par son cynisme, la femme mûre, incarnée par Marie-Paule Kumps, manifeste une sagesse parfois désabusée. Au nom de la réussite sociale, elle a avalé pas mal de couleuvres. Sauver les apparences était son obsession. Des aveux douloureux montrent que certaines blessures ne sont pas cicatrisées. Au seuil de la mort, la vieille dame prend conscience qu’elle est passée à côté de l’essentiel. Elle haïssait sa mère et n’était pas capable d’aimer son fils. Pourtant, malgré son horrible solitude, elle assume ses choix et revendique sa dureté. Indispensable pour REUSSIR. Par son jeu subtil, Janine Godinas laisse planer un doute : sa mémoire est-elle défaillante ou ignore-t-elle volontairement certains souvenirs ?

La complémentarité des comédiennes et la construction surprenante de la pièce engagent le spectateur à se sentir concerné. Intrigué par le lit gigantesque, qui trône au centre d’une bonbonnière rose pastel, il se laisse happer par ce huis clos. Drôle puis émouvant. Par la souplesse de sa mise en scène, Véronique Dumont soutient efficacement cette progression. Dans l’Acte I, l’humour d’Albee nous fait rire de nos angoisses et dans le II, l’alternance de moments intimes et de séquences explosives nous sensibilise aux contradictions d’une existence.

Chacune des trois femmes considère que le meilleur moment de sa vie est : "maintenant". C’est dire qu’il ne faut pas gaspiller le présent en espoirs ou en regrets. Même si elle remet en question l’arrivisme, qui a été son moteur, l’héroïne d’Albee se félicite d’avoir tenu bon. "Trois grandes femmes" constate une faillite et paradoxalement nous invite à mordre dans la vie. Pour ne pas rater l’essentiel.

Théâtre Le Public