Jeudi 25 avril 2013, par Palmina Di Meo

Tout ce que je ne serai jamais...

La compagnie BILOXI 48 crée au théâtre des Martyrs "Tout ce que je serai", une comédie grinçante d’Alan Ball dans le contexte d’une Amérique traumatisée par l’effondrement de ses symboles après le 11 septembre. Des répliques piquantes, un ton doux-amer, des acteurs au top de leurs formes ... à ne rater sous aucun prétexte. Une mise en scène brillante de Christine Delmotte sur un texte tendre et cinglant à la fois.

Dwight et Omar sont deux facettes d’un monde au bord du goufre. En quête de repères, ils vont se rencontrer, s’aimer... et fatalement se quitter.
Dwight est Américain, homosexuel, riche, blasé et désoeuvré. Il entretient le traumatisme du suicide de sa mère, culpabilise son père et n’éprouve aucune gène à se faire entretenir. Omar est de nationalité incertaine, variable selon ses rencontres, tantôt Iranien, tantôt Libanais, peut-être Arménien. Pour survivre, il travaille comme vendeur de gadgets informatiques et vend son corps au plus offrant. Et comme nous sommes à Los Angeles, il fréquente une femme d’affaires des milieux du cinéma.
Tous deux sont en manque... d’amour, de tendresse, de compréhension. Et le temps d’une caresse, ils vont s’apprécier, se confier, croire que tout est possible.

Ecrite sous forme de tableaux, cette comédie de moeurs tord le cou d’une société hypocrite, codée, qui s’épuise à vouloir donner la meilleure image d’elle-même mais où tout se paye, même la tendresse.
Scénariste oscarisé, lui-même homosexuel, Alan Ball a l’art de saisir les êtres dans ce qu’ils ont de plus intime. A la fois drôle, profonde, sensuelle et tendre, son écriture séduit par l’imprévisibilité des réactions émotionnelles et des dialogues enlevés, impertinents, sans longueurs.

Le décor minimaliste de Christine Delmotte, en constante évolution, accompagne le rythme rapide de la succession des scènes. Les tags sur les murs de fond soulignent le contraste entre une société où l’argent offre la liberté, et sous laquelle couve une quête de reconnaissance et d’amour inassouvie. Des néons translucides et solitaires, croisés, ou encore colorés et alignés, bigarrés, évoquent un sanctuaire, un lupanar, les lumières clinquantes de Las Vegas...

La distribution est à la mesure du texte. Jean-François Breuer (Dwight) et Soufian El Boutsi (Omar) sont excellents. Impossible de déceler la composition. Ils sont efficacement encadrés par Mathilde Rault et Benjamin Boutboul. Une mention spéciale à Philippe Jeusette qui passe avec naturel d’un caractère à son opposé, hilarant et pathétique dans sa veste de consommateur de sexe désabusé.

Palmina Di Meo