Vendredi 8 décembre 2017, par Yuri Didion

Tous pour un !

Le Royaume de France part à vau-l’eau. Entre le roi Louis XIII qui devient une attraction pour touristes, la reine aux multiples amants et les mousquetaires indolents, le cardinal de Richelieu a bien du mal à tenir la baraque. D’autant que de noirs complots se trament depuis l’Espagne qui, avec l’aide du marquis de Monsanto, compte bien mettre le Royaume à sa botte.

Cette nouvelle création puise dans l’imaginaire populaire : on retrouve les personnages un peu triviaux de Dumas, quelques références à Victor Hugo ainsi qu’à la saga culte d’Angélique créée par Borderie. Ainsi, nous sommes en terrain connu : nulle image nouvelle à expliquer, nulle précision historique à développer. Cela offre au scénario une liberté d’invention et une pléthore de ressorts comiques, qui viennent enrichir cet univers d’une actualité tout à fait sérieuse. Ici, l’art dramatique dédramatise. N’est-ce pas là le propre de la grande comédie : parler de choses sérieuses d’une manière humoristique ?

Au Magic Land, le spectacle commence dès l’entrée : la porte s’ouvre sur des personnages qui viennent animer la file d’attente, et on est toujours surpris par ce qui nous attend jusqu’à trouver nos places en salle. Le décor est partout, le bar est animé, les comédiens déambulent : une ambiance bruissante et bouillonnante emporte le public qui bourdonne jusqu’au début du spectacle. Et là, comme toujours dans ce théâtre, la magie opère : l’énergie des comédiens nous emporte dans leur folie, le rire jaillit, spontané et libre. Là est la grande spécificité du Magic Land : c’est la troupe qui vient au public pour l’entraîner, l’animer. Le quatrième mur n’existe pas, et cet aller-retour constant des artistes entre la salle et la scène vous tire à eux. Il s’en dégage une chaleur humaine incroyable : le public fait partie du théâtre.

Fort de ce constat, il me semble opportun de digresser quelque peu. Car en ce soir de première, il régnait une émotion poignante dans ce théâtre qui venait d’apprendre que leur contrat-programme n’était pas renouvelé. Or, la clôture de cette subvention signe la mise à mort d’une compagnie active, dynamique et surtout, différente. Peu de salle à Bruxelles proposent des spectacles qui intègrent à ce point le public, en faisant un réel partenaire de jeu. S’ils semblent parfois libre de ces volonté d’enseigner ou de réfléchir, si présentes sur les scènes belges, les spectacles du Magic Land n’en sont pas moins engagés : ils représentent un engagement en acte, une philosophie de travail, une conception du théâtre même qui intègre le spectateur au cœur de la représentation théâtrale. Ils sont "le changement qu’ils espèrent pour le monde" (Gandhi) : de la joie, de la bonne humeur, de la simplicité.

Alors pour soutenir cette entreprise chaleureusement humaine, il existe aujourd’hui une nouvelle solution : une pétition est en ligne (http://bit.ly/petitionMagicLand). Bien sûr, l’ancienne, à savoir assister aux spectacles, reste valable. Du moins, pour le moment, alors il est grand temps d’en profiter...