Mardi 10 octobre 2017, par Palmina Di Meo

Tournez manège !

Pour Dominique Serron, « Le misanthrope » est la plus marivaudesque des pièces de Molière et sa proposition le traduit à la perfection.

Le jeu est là, au centre de la scène, où le lit de la belle Célimène tournoie, dans sa cage rose, au rythme de l’humeur de ses « fans », telle une girouette aux quatre vents. C’est qu’elle cache bien son jeu. Coquette, elle ne cède rien lorsqu’elle dévoile sa vie sur son blog, s’amusant à entretenir la « virtualité » des sentiments. Celui qui est pris dans sa toile, c’est Alceste. Amoureux transi, épris de loyauté et de sincérité, il ne peut se plier au jeu social de l’hypocrisie et de la flatterie, ce qui lui vaut de récolter quelques misères au risque de retarder son explication avec Célimène qu’il souhaite demander en mariage... à condition qu’elle sacrifie sa vie mondaine pour lui vouer un amour exclusif.
Les alexandrins de Molière, légers, ludiques, n’enlève rien à la gravité du propos de Dominique Serron. Nos sociétés sont-elles déresponsabilisées, voire enfantines ? Le culte de l’instant, de l’image, de l’accès à l’autre par un « clic », les gadgets, tout cela peut-il tuer les valeurs d’honnêteté et de dignité ? L’écran va-t-il bouffer la vie ? L’angoisse de Célimène, est perceptible pourtant, filmée en gros plan depuis sur son smartphone. Alceste lui plait bien mais renoncer à son blog ? Trop cruel !
C’est la trouvaille de Dominique Serron, transposer les salons des précieuses sur le net. Le blog personnel devient une antichambre pour se rapprocher de la « lumière » : du roi au temps de Louis XIV, de la notoriété aujourd’hui, un subterfuge pour s’assurer un certain pouvoir social.
Avec une mise en scène dynamique, sur le mode du montage rapide, Dominique Serron pousse les comédiens dans l’urgence. Ils s’entrechoquent comme des pions sur un échiquier, surpris par les aléas du jeu.
Et nous nous surprenons à penser que Molière est bien vivant !