Pour Clos, l’ingénieux Gilles Gardula a construit une scénographie qui constitue une boîte dans une boîte : un premier espace clairement délimité constitue le terrain de jeu commun pour les acrobates et les musiciens, tandis que les uns se trouvent cachés dans une grande boîte en métal, entre le frigo et la cabine téléphonique, et les autres surélevés sur un podium. Peu à peu, la musique monte, les lumières baisse, et des balles de jonglage sans jongleur visible commencent à apparaître au-dessus de cette cage de métal. Un premier personnage apparaît, Loïc Faure, courant après ses balles pour les faire rentrer à nouveau dans la boîte. Puis c’est au tour de Daniel Esteban Lorenzo de faire sortir des ballons qu’il tente de faire rentrer de force dans la cage. Enfin, on voit Anna-Katharina Herkt s’échapper de la boîte et continuer ses contorsions au sol, telle un animal étrange échappé de son enclos. Voici les ingrédients de base qui vont se nouer et se dénouer pendant près d’une heure, avec toujours plus d’inventivité et de joie. Chacun·e de ses personnages va alors entreprendre non pas de s’échapper mais de démembrer progressivement la cage, ôtant chacune de ses portes pour ne laisser qu’un espace transparent et ouvert, un objet plastique métaphorisant parfaitement une liberté trouvée hors des cases.
Le mouvement ne s’interrompt jamais, de la ligne mélodique des musiciens aux balles qui dansent et tombent, des assemblages des corps des acrobates à leurs élévations et leurs torsions dans l’espace. Le plateau est exploité et balancé avec une grande intelligence, exploitant l’horizontale comme la verticale, jouant sur un corps voilé et dévoilé, souple ou tendu, libéré ou timide. Chacun des interprètes est porteur d’une grande singularité qui leur permet de se compléter les uns les autres, entre l’ouverture magistrale et souple d’Anna-Katharina Herkt, l’équilibre émouvant de Daniel Esteban Lorenzo, et la légèreté drôle de Loïc Faure, en complicité constante avec Olivier Thomas et Laurent Rousseau.
Aucun élément n’arrive là où on l’attend, et chaque geste, chaque note, chaque élan est habité d’une présence d’une grande qualité qui fait du plateau un espace où résonnent et se croisent les énergies projetées par les cinq interprètes. Dans un univers entre le dessin animé et le cartoon, chacun·e est prisonnier·ère de sa propre folie, et la transforme en espace de liberté et de joie, les uns grâce aux autres. Titubant au bord du vide ou rebondissant au sol, ces personnages en hyper-activité se déchaînent et transforment progressivement leur cage en agrès de cirque, en terrain de jeu pour ces enfants dans des corps d’adultes, libres de rêver et de se transformer au fil de chacun de leurs mouvements, de chacune des notes que composent avec humour et tendresse Olivier Thomas et Laurent Rousseau.