Vendredi 26 juin 2009, par Edmond Morrel

TOUS DANS LE NOIR

Marginales en deuil : Roland Breucker est décédé.

TOUS DANS LE NOIR…

Après le décès de Roland Breucker, c’est sans ainsi qu’il faudrait intituler le prochain numéro de MARGINALES.

Lorsqu’un artiste nous quitte, nous entrons en deuil deux fois.

TOUS DANS LE NOIR…

Après le décès de Roland Breucker, c’est sans ainsi qu’il faudrait intituler le prochain numéro de MARGINALES.

Lorsqu’un artiste nous quitte, nous entrons en deuil deux fois. La première parce que un homme que l’on appréciait, que l’on aimait ou, tout simplement que l’on admirait, a cessé d’être là. La seconde, parce que le monde dans lequel nous continuons de vivre aura perdu une de ses clés de compréhension. Roland Breucker, depuis dix ans, avec la régularité d’un métronome illustrait chaque trimestre la couverture de MARGINALES. La vignette qui ornait chaque livraison de la revue découpait une fenêtre dans l’actualité de la Belgique, de l’Europe ou du monde, un carré de quelques centimètres seulement mais qui donnait chaque fois le vertige. Avec cet humour décalé des faux cyniques, Roland Breucker traçait le portrait ironique de notre temps.

Une des vignettes pour MARGINALES

En regardant les couvertures des numéros qui ont jalonné ces dix dernières années de MARGINALES, je vois dans chacune des illustrations de l’artiste une balise comme celles qui, dans la nuit de la mer, indiquent au marin qu’il n’a pas perdu sa route. C’est cela la fonction de l’artiste.
C’est cela le second deuil dans lequel nous entrons, après la tristesse qu’inspire la mort de l’homme aux lunettes noires, le chagrin d’avoir perdu un repère.
Lorsque, pour le dernier numéro de MARGINALES, aujourd’hui sous presse, je lui demandais de m’envoyer une notice biographique, il y a rechigné, prétextant que l’anonymat dans lequel il avait œuvré lui avait convenu jusqu’alors. J’insistai, considérant que ce n’était pas justice. La notice qu’il m’envoya, malgré tout, est à l’image, souriante et décalée, de cette figure hors norme :

« Adolescent je lisais tout ce qui me tombait dans l’œil. Le magazine « Confidence » (la seule lecture disponible à la maison) publiait à l’époque les épisodes d’Angélique ; je les dévorais, je la dévorais. Malgré la qualité relative de cette prose, je n’ai aucune honte d’avoir été initié à l’amour des mots par une aussi sublime amante. »

Jean Jauniaux
26 juin 2009.