Mardi 12 novembre 2013, par Palmina Di Meo

THE BROKEN CIRCLE BREAKDOWN de Felix Van Groeningen

Plus qu’un film, une performance

Le quatrième long métrage de Félix Van Groeningen - sombre drame sur fond de musique country - est actuellement en compétition pour le Prix LUX et file vers la gloire internationale. Les récompenses s’accumulent au point que l’on n’est pas certain de les avoir toutes recensées : cinq nominations pour le Meilleur film européen , prix de la Meilleure actrice et Meilleur scénario au Festival de Tribeca, Mention spéciale du jury au Festival international du film de Karlovy Vary, et la liste n’est pas exhaustive.

Le quatrième long métrage de Félix Van Groeningen - sombre drame sur fond de musique country - est actuellement en compétition pour le Prix LUX et file vers la gloire internationale. Les récompenses s’accumulent au point que l’on n’est pas certain de les avoir toutes recensées : cinq nominations pour le Meilleur film européen , prix de la Meilleure actrice et Meilleur scénario au Festival de Tribeca, Mention spéciale du jury au Festival international du film de Karlovy Vary, et la liste n’est pas exhaustive.

Didier, un ancien punk, joue et chante du bluegrass (country) dans un groupe. Il rencontre Elise, propriétaire d’un salon de tatouage. Entre eux, c’est plus qu’un coup de foudre. Elise adopte rapidement le mode de vie de Didier, s’intègre dans le groupe country, partage sa foi dans le modèle américain. Un petite fille, Maybelle, nait de leur union. L’enfant va sceller ce couple atypique bien plus qu’ils ne s’y attendaient au départ. Mais un cancer de la moelle emporte la petite et c’est la dégringolade. Au même moment, Didier découvre que G.W. Bush émet un veto sur la recherche des cellules souches embryonnaires pour des motifs religieux : ses valeurs basculent. Alors qu’Elise se réfugie dans le spiritisme et la réincarnation, Didier se laisse séduire par le scientisme. Le couple tente de surmonter la crise sans succès jusqu’à la déchirure finale...

Le scénario est le résultat d’une adaptation par Felix Van Groeningen et Carl Joos de la pièce théâtrale homonyme, “The Broken Circle Breakdown featuring the Cover-Ups of Alabama”, coécrite par Johan Heldenbergh, l’acteur qui incarne Didier, et par Mieke Dobbels. L’idée est née de Johan en 2006, lorsque celui-ci voit Bush s’opposer à des essais scientifiques sur les cellules souches. En découvrant la musique bluegrass, l’auteur construit sa pièce en s’inspirant de textes de chansons. Le titre lui-même vient du morceau “Will the Circle be Unbroken ?”

Felix Van Groeningen assiste à une représentation de la pièce (qui a un énorme succès) et a immédiatement envie d’en faire un film. Mais la version théâtrale lui semble tellement parfaite qu’il ne se voit pas la transformer. En mettant la musique au centre du film, il plonge le spectateur directement dans les émotions, les sentiments à vif, si bien qu’il réalise l’exploit d’un film noir que l’on reçoit dans une sorte de rêve. Alors que dans ses films précédents, il dépeint sans complaisance des univers glauques (La merditude des choses,Dagen zonder lief), il rompt avec ses habitudes pour parier sur l’esthétisme et abandonne la caméra à l’épaule pour de longs plans fixes. La photographie soignée où la lumière et les couleurs donnent un relief à l’image est de Ruben Impens. Le pari est gagné, le film est un régal pour les yeux.

Van Groeningnen le reconnait lui-même : on nage en plein mélodrame. Mais le réalisateur a su donner au genre une couleur et un ton nouveau en éclatant l’histoire pour la construire lentement par de courts flash-back. La sensation d’étouffement que l’on pourrait ressentir devant ce drame insoutenable est gommée par la découverte en amont d’une passion intense conjuguée à la frustration que l’on ressent devant l’échec des protagonistes à surmonter leur malheur. Frustration accentuée par la chronologie chamboulée mais orchestrée avec intelligence où chaque épisode d’un passé heureux vient contrabalancer de façon dramatique l’infortune que subissent les personnages.

La réussite du film repose en grande partie sur la prestation des acteurs principaux, un jeu que l’on peut qualifier d’animal. Le visage expressif deVeerle Baetens reste gravé dans les mémoires. Il se dégage d’elle un curieux mélange de fragilité et de résistance aux chocs de cette “vie cruelle qui reprend tout”. Victime et battante, elle imagine rayer le malheur comme on change de nom ou comme on maquille un tatouage en superposant dans la peau un nouveau sur l’ancien. Le New York Times cite son nom parmi les quatre performances à ne pas rater cet hiver.

Veerle Baetens, recrutée par casting pour le film, s’est lancée dans la chanson en 2012 en créant son groupe Dallas. Sa voix douce, légèrement écorchée est envoûtante et se prête à des styles différents. Les artistes du film ont déjà entamé une série de 14 concerts qui affichent complet. Il se produisent sous le nom de The Broken Circle Breakdown Bluegrass Band.

Palmina Di Meo