Mardi 13 octobre 2020, par Catherine Sokolowski

Subir, s’alarmer ou s’armer ?

Ils sont nombreux sur scène et ont l’air heureux de s’y trouver : c’est le Raoul Collectif (Romain David, Jérôme de Falloise, David Murgia, Benoît Piret, et Jean-Baptiste Szézot ) qui, après « Rumeurs et petits jours », enchaîne avec du « théâtre qui croit en l’imagination », autrement dit une grande farce jubilatoire qui ouvre le débat sur l’évolution de la société. Les comédiens sont entourés de musiciens, Philippe Orivel, Julien Courroye, Clément Demaria ainsi que de l’actrice Anne-Marie Loop. Cette envolée lyrique était programmée au printemps dernier mais le Covid est passé par là, légitimant l’utilité d’une telle réflexion. A la fois politique et poétique, la discussion est ouverte via cette petite communauté qui souhaite changer les choses. Quel rituel et codes adopter pour évoluer vers un système viable ? Une quête déjantée et pleine d’humour.

Après que les commanditaires se soient détournés du petit groupe dont on suit les pérégrinations, celui-ci procède à l’inauguration de la nouvelle mouture de son assemblée. Les membres sont plein d’entrain, les paroles fusent, les idées aussi, le tout sous l’égide d’un gigantesque oiseau en branchages, souple et gracieux. Lentement mais sûrement, l’irrationnel prend le dessus, laissant la part belle aux divagations.

Bien qu’ayant été prévenu que les évènements seraient « entremêlés de doutes et de maladresses », le spectateur risque d’être surpris, par exemple par l’expression d’un « désir vivace de brûler quelque chose, une cathédrale, un grand magasin, une banque, un théâtre... ». Après le passage d’un (très grand) hibou, les musiciens prennent le relais. Vient ensuite l’heure de trinquer : « Portons un toast à l’imprévisible, au vent chaud qui soudain se lève » et les réflexions d’Antigone (Anne-Marie Loop). « Comment oses-tu ? » lance-t-elle à Créon, se réjouissant de cette réplique (« C’est gai d’avoir à dire ça ! »). L’absurde est omniprésent et ce n’est pas le centaure (Jérôme de Falloise) qui nous contredira.

Le Raoul Collectif prend le temps (dix ans depuis leur 1ère création, "Le Signal du promeneur"), notamment pour trouver des sources d’inspiration et, ici, ce fut au Bénin. Tournés vers le futur, ils cherchent comment avancer mais le thème ne change pas. « Rumeurs et petits jours » parlait de l’affrontement de courants sociopolitiques opposés dans un contexte de mondialisation, autrement dit, de refaire le monde, et c’est aussi sur cette idée que repose cette troisième création. L’évolution repose donc sur la manière de faire passer le message, et non pas sur le fond. D’une émission de radio dans « Rumeurs et petits jours », on passe ici à une grande cérémonie loufoque. Imagination, musique et militantisme, décidemment, ils ont tout pour plaire ! Avec toutefois un petit avertissement aux plus rationnels qui risquent d’y perdre leur latin.