Mardi 22 février 2022, par Yuri Didion

Spectaculaire

Une vingtaine d’artistes et techniciens, des décors qui changent à vue entre chaque scène, qui tourbillonnent autour des interprètes dans une chorégraphie complexe, de la vidéo et de la musique live, ... une chose est sûre, Sylvia ne fait pas dans la demi-mesure.

Avec ce spectacle, Fabrice Murgia nous présente la vie de Sylvia Plath, poétesse américaine écartelée entre son désir d’écrire et son rêve d’une vie de famille « parfaite », tension qui creuse une dépression déjà latente, jusqu’à son suicide à l’âge de 31 ans. L’exposé des faits biographiques se déroule sous forme d’un tournage cinématographique auquel on assiste en live tandis que le film réalisé est projeté simultanément. Le tout sur la musique du Ann Pierlé Quartet, tour à tour entraînante et inquiétante.

C’est carrément spectaculaire. La gestion d’une telle équipe, qui déplace les décors, filme, interprète, se change, etc donne un ballet millimétré très impressionnant. Mais ça l’est tant que finalement, la prouesse technique occulte complètement la narration : face à une telle débauche de moyen, mon œil de spectateur fut plus attiré par ce que "peut" le spectacle que par ce qu’il "raconte", et je n’en ressors ni ému, ni particulièrement choqué par la vie de la poétesse ou un quelconque propos.

Pourtant, les propositions ne manquent pas : le choix d’un chœur de femme pour interpréter la protagoniste pourrait nous raconter que c’est la vie de toutes les femmes et élever Sylvia Plath au rang de symbole ; la vidéo et l’écran détruit à la fin par ce même chœur, nous parler de ce qu’on projette sur le genre féminin ; la sélection d’un Ted Hughes - mari de l’autrice - parmi les membres du public, nous dire que n’importe qui peut être un Ted Hughes s’il n’y prend pas garde ; ... mais les choix d’une mise en abime (un spectacle qui montre le tournage d’un film qui raconte la vie de Sylvia Plath) et d’une mise à distance par la technique à vue bloquent l’identification aux personnages, et la seule émotion qui reste est celle qui vient des paillettes du show à grand budget.

Yuri Didion

Photo : Hubert Amiel