Mardi 10 avril 2007, par Xavier Campion

Serge Swysen

Coup de projecteur : je rencontre Serge au « Bruit qui court » à Liège. Il aborde d’emblée le rapport à la séduction dans le métier d’acteur et la difficulté mais aussi le plaisir de « devoir plaire », « faire rêver », « donner envie »…

Swysen J’ai pensé arrêter le métier, il y a quelques années. Je tournais en rond, cela n’allait pas ! À l’époque, je jouais Créon dans Antigone d’Anouilh et à l’issue d’une des représentations, un jeune homme s’avance vers moi et me dit : « Monsieur, je viens vous féliciter non seulement pour ce soir mais aussi parce que je suis votre carrière et j’aime beaucoup ce que vous faites et c’est à chaque fois un réel plaisir de vous voir en scène ». Ensuite, il est parti dans la nuit et après ça, je me suis dit : « Non, je ne peux pas arrêter ».


À ce propos, je t’ai vu pour la première fois dans la pièce Panique au Café Liégeois et il m’a semblé que le public était un public de fidèles. Est-ce qu’il suit ta carrière aussi ?

Pas vraiment, mais une fois une spectatrice m’ayant vu dans le rôle de Pino [1] est venue me trouver après une représentation de Cyrano de Bergerac dans laquelle j’ai eu le bonheur de jouer Cyrano et elle m’a dit : « Écoutez, j’ai eu les pires craintes ! Car, je pensais que Pino, c’était vous ! » J’ai pris ça comme un compliment car je me suis dit si elle y a cru à ce point c’est que j’ai bien fait mon boulot et maintenant, elle croit aussi à Cyrano, donc je la bluffe dans le bon sens du terme.

À propos de Pino, est-ce que, par rapport au succès de Panique au Café Liégeois [2] — qui en est à sa 4ème version — tu ne te retrouves pas cantonné dans le registre du comique un peu bébête ?

Non, pas du tout et heureusement. D’ailleurs, ce personnage est très loin de moi et au début, j’ai mis du temps à aimer Pino. J’ai aussi la chance de travailler quasi exclusivement pour le Théâtre Arlequin et je suis volontiers distribué. Cette année j’ai joué Monsieur Lepic dans Poil de Carotte, et l’année prochaine je jouerai sans doute Sherlock Holmes dans Le Chien des Baskerville. Ce sont donc des rôles très très différents.


Finalement, tu es un permanent du Théâtre Arlequin mais comment as-tu atterri là ?

À l’époque, je jouais dans une pièce amateur qui était mise en scène par l’un des comédiens du Théâtre Arlequin. J’allais également voir les pièces du Théâtre Arlequin. J’ai appris que le directeur du théâtre voulait venir voir la mise en scène de son comédien, mais aussi qu’il avait envie de me voir jouer car il n’avait pas de comédien de mon profil et que cela l’intéressait. Il vient voir la pièce et pour l’anecdote, c’est le seul jour où l’on n’a pas joué. On était plus nombreux sur scène que de dans la salle ! Je râlais car c’était une belle occasion. Heureusement, d’autres comédiens de la troupe étaient venus voir la pièce avant et notamment Thierry Enckels qui avait parlé de moi au directeur. Je n’ai pas été engagé tout de suite, mais suite à cette histoire, j’ai été mis à l’essai pour remplacer Jean-Louis Maréchal dans une adaptation de L’ Étranger de Camus pour 5 représentations. Le directeur était content et il m’a repris dans un premier spectacle, puis un deuxième et cette saison-ci, je suis dans tous les spectacles. C’est une rencontre qui dans un premier temps n’a pas eu lieu comme je l’espérais mais qui s’est avérée plus que je n’aurais pu imaginer puisque, par après, j’ai été distribué dans Cyrano ! Ce jour-là, j’étais sur un petit nuage.

Cyrano est-il « le rôle de ta vie » ?

Oui et non. Je pense qu’en tant que comédien on a plusieurs passerelles. C’est-à-dire qu’il y a des personnages qui te révèlent, qui sont des déclencheurs. Cyrano est un de ceux-là. C’est un personnage qui m’a fait franchir un palier. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement lié aux personnages mais aussi aux rencontres : les metteurs en scènes, les partenaires…

Tu joues dans presque toutes les pièces du Théâtre Arlequin, est-ce tout le temps le même metteur en scène, trouves-tu l’occasion de travailler en dehors ?

Nous travaillons avec des metteurs en scène différents : Claire Servais, José Brouwers (directeur du théâtre), Alexandre Tirelier… Par contre, je n’ai plus le temps de passer des auditions pour d’autres pièces car je boucle les saisons au Théâtre Arlequin. Je ne peux pas m’absenter un mois pour jouer ailleurs. C’est un peu dommage et, en même temps, c’est une sécurité. Une fois, j’ai eu une proposition de la part de Léonil Mc Cormick, du Théâtre de la Valette avec qui j’étais en contact et qui était venu me voir dans Antigone. J’avais déjà signé mes contrats pour le Théâtre Arlequin et j’ai refusé sa proposition. C’était dommage car j’aurais voulu avoir une expérience avec lui, ailleurs… juste pour connaître autre chose.

As-tu des projets personnels ?

SwysenJ’ai un projet avec un ami mais le problème, c’est qu’il faut avoir du temps et pour le moment… (Rires). Sinon, j’ai des projets mais en tant que metteur en scène. En effet, j’ai animé des stages de théâtre pour adultes lors du festival de Spa. Ces stages se sont développés en ateliers à l’année et certains élèves ont eu envie de monter un spectacle. On a trouvé une pièce et on est en train de la préparer et on va la montrer au Théâtre du Casino de Spa en mai. Je mets également en scène Les Justes de Camus avec des adolescents.


Au milieu de cet agenda chargé tu fais également la reprise du Petit Prince ?

Oui, on le reprend début mai pour deux semaines, au Petit Théâtre, (2). Cette pièce a eu beaucoup de succès et l’année passée, nous avons refusé des spectateurs.

Est-ce que c’est un tout public ?

Oui, même si on est amené à le jouer pour des écoles. Le théâtre Arlequin ne fonctionne pas en théâtre pour enfants. Le théâtre pour enfants est un véritable créneau. Il faut arriver à jouer pour les enfants ! J’admire les comédiens qui le font car ce n’est pas donné à tout le monde. Je ne pense pas que j’en serais capable. Sinon, nous avons monté une adaptation de La Peste de Camus pour les adolescents.

Il me semble que vous vous attaquez aux grandes œuvres, aux classiques ?

Il se fait que le Théâtre Arlequin, dans son contrat, a, je crois, une vocation pédagogique : une obligation de promouvoir la langue française ou quelque chose du genre…

De jouer le répertoire ?

Oui, quoique le répertoire évolue. D’ailleurs, l’année prochaine, nous monterons un Eric-Emmanuel Schmitt pour les écoles : Ma vie avec Mozart, je crois.

J’aimerais aussi que tu me parles de cette fameuse Journée Marathon Théâtre du 21 avril.

Au départ, c’est Alexandre Tirelier qui en a eu l’idée. On venait de jouer deux fois Cyrano sur la même journée et dans les loges, il dit : « Eh, ce serait à faire de jouer toutes les pièces de la saison d’affilée : de huit heures du soir à huit heures du matin ! » L’idée a fait son chemin et lors d’une représentation privée pour un service club : Lions ou Rotary… Alexandre leur en parle. Ils sont intéressés et, de fil en aiguille, nous en arrivons à la formule actuelle. Nous jouerons 5 pièces de notre répertoire, dans différents lieux de midi à minuit. Je suis le comédien fil rouge de ce marathon car comme les producteurs, co-producteurs… souhaitent que cette performance soit actée au Guinness Book, il fallait pouvoir suivre un comédien au moins… et c’est moi. (Rires). Le défi m’amuse.

SwysenSi tu devais dire un mot aux jeunes acteurs, qu’aurais-tu envie de leur dire par rapport à la profession ? Par rapport aux débuts qui sont parfois difficiles ?

D’y croire toujours ! J’aurais envie de dire aux jeunes comédiens qui passent des auditions : « Dites vous qu’il y a comme une espèce de quota : par exemple, vous aurez un casting sur dix ! Ne vous découragez pas ». Et aussi une phrase d’Albert Schweitzer : « L’idéal est pour nous ce qu’est une étoile pour le marin. Il ne peut être atteint mais il demeure un guide. »

Interview : Sarah Brahy avril 2007

Notes

[1serveur à l’accent liégeois dans Panique au Café Liégeois

[2Agenda complet 2006-2007