Mardi 26 février 2019, par Palmina Di Meo

SOIR DE PREMIÈRE

Grand événement médiatique et public nombreux dans la somptueuse salle du théâtre de Namur ce vendredi pour la première de « Opening Night », le remake du chef d’oeuvre de Cassavetes. Une foule impatiente était venue admirer le monstre sacré, Isabelle Adjani, reine incontestée des grands écrans, de retour sur les planches pour un enjeu à la mesure de son talent : une exploration de la performance mythique de Gena Rowlands dans un rôle d’actrice torturée par le doute quant à son image et son âge. Un rôle babylonien réécrit pour Isabelle Adjani.

Myrtle Gordon, une comédienne de théâtre célèbre est la vedette de la pièce « The second woman ». Ce rôle de femme angoissée par son âge la rebute. À la fin d’une répétition, elle assiste à la mort d’une toute jeune admiratrice qui tentait de l’approcher (le rôle est tenu par Zoé Adjani, la nièce d’Isabelle). Pour elle, cet accident tourne au drame et à la remise en question.
Cassavetes avait réussi le pari de faire un film de mise en abyme sur le théâtre où les gros plans ramenaient à l’intime et au plus près du travail d’introspection de la comédienne.

Cyril Teste avec son collectif MxM travaille depuis plusieurs années sur la relation entre l’acteur et les technologies et le rapport entre théâtre et vidéos. Son écriture théâtrale est soumise à une charte qui prévoit que tout est réalisé en temps réel sous les yeux des spectateurs, aussi bien le tournage et le montage des passages filmés que le mixage du son. C’est dans le respect de cette charte qu’il adapte librement le texte de Cassavetes. Le but est de passer de l’image à la scène, des coulisses à la représentation, dans un fil narratif laissant entrevoir plusieurs points de vue.

Entourée de Frédéric Pierrot et Morgan Loyd Sicard, Isabelle Adjani se prête à ce jeu et donne la mesure de son aisance à se glisser dans les personnages à fleur de peau où les émotions jaillissent aussi brusquement que les orages dans un ciel bleu. 
Mais on sent un public frustré... Les parties filmées en coulisses donnent à ressentir la détresse certes sincère d’Isabelle mais sans dévoiler le visage de l’actrice, qui joue dos tourné au public dans la majorité des prises vidéos pour ne dévoiler son visage qu’en fin de représentation alors que s’imprime sur l’écran « Opening Night »... Et que Myrtle Gordon, accompagnée de son metteur en scène s’avance sur scène, prête à interpréter « The Second Woman », ce rôle qui l’a tant angoissée.

Cyril Teste et Isabelle Adjani ont travaillé durant des mois pour trouver ces moments où la rencontre et les confrontations forment la genèse d’un spectacle, où chaque tragédie ou intervention extérieure peut influencer le travail de création et de réflexion de l’acteur à propos de son personnage, où les limites entre fiction et réalité deviennent étanches, là où, au-delà de l’image, c’est la fragilité de l’interprète qui crève les sens.
Une création, réinventée soir après soir...

Palmina Di Meo