Vendredi 6 décembre 2019, par Marion Hermet

Rwanda 94, une reprise exceptionnelle pour un témoignage de mémoire important

Dans le cadre du festival Rwandafrica au Varia, la reprise de la Cantate de Bisesero de Rwanda 94 constitue un moment fort du festival. Encore plus si nous évoquons la place importante de cette pièce dans le théâtre contemporain.

Plus qu’une simple pièce de théâtre, un immense travail minutieux pour des témoignages historiques ne laissant aucun spectateur indifférent. Au cœur de l’événement, le troisième génocide du 20ème siècle, faisant au Rwanda, entre avril et juillet 1994, entre 800.000 et un million de victimes, principalement des personnes d’origines « ethniques » tutsi et des opposants à cette immense chasse humaine. Dès l’année suivante jusqu’à la présentation de la création au printemps 2000, le Groupov, mené par Jacques Delcullverie, entreprenait cinq ans d’enquêtes et de recueils de témoignages de ceux et celles, qui ont vécu de près ou de loin, au drame.

Jacques Delculleverie était d’ailleurs présent pour introduire la partie live concernant La Cantate De Bisesero, les deux premières parties étant diffusées l’après-midi sous forme de film, à retrouver en DVD. Pour celles et ceux qui n’ont jamais vu le film, nous vous conseillons vivement d’aller y jeter un coup d’œil, aussi bien pour les témoignages de mémoire qui sont tant importants et capitaux pour comprendre le génocide et ses atrocités vécues, que pour la réalisation et la mise en scène de cette pièce, toutes deux importantes dans le théâtre de ces trente dernières années. La séquence d’une survivante, assise devant le public à raconter durant une cinquantaine de minutes, ce qu’elle a vécue : des premiers coups à la mort de sa famille, est un moment très fort, où personne ne sort sans être émotionnellement secoué, où la plupart peuvent ressentir la grande compassion qu’elle porte avec une force inouïe.

La troisième partie est pensée alors comme une partie musicale parlée. A cette occasion, un orchestre et un chœur parlé prennent possession de la scène durant près d’une heure, où au delà des témoignages racontés, le récit historique du génocide est raconté d’un point de vue externe. Cette partie est toute autant émotionnelle, tant que nous sommes happés par le récit, les voix portant ce dernier, racontant les drames survenus durant le génocide, tout en pointant du doigt à la fin, des auteurs de cet horrible drame dont certains sont toujours en liberté, sans être jugés de leurs actes. La pièce se referme sur la prononciation du nom de certaines victimes, femmes comme hommes, ados comme enfants. Ces noms, gravés pour l’éternité pour une transmission du drame aux générations futures. Nous sommes sortis de la salle, un peu sonnés par cette heure et le souffle coupé.

Plus qu’un simple exercice de mise en scène colossale et de travail dramaturgique profond, Rwanda 94 est une véritable thérapie. Nécessaire mais importante, où la force des drames historiques sont ornés des témoignages poignants et essentiels dans un acheminement dédié à la mémoire, afin que ce drame et les témoignages évoqués ne doivent être jamais oublié.

Pour prolonger davantage l’exploration de Rwanda 94, nous vous conseillons d’écouter l’émission Une Saison Au Théâtre sur France Culture (7 avril 2019), dédié à la pièce : http://www.franceculture.fr/emissions/une-saison-au-theatre/rwanda-94-reparation-et-rememoration
Rwanda 94, Groupov et Jacques Delcullverie.