Mardi 6 décembre 2016, par Yuri Didion

Rires dans les brumes

Dans le Londres victorien, une série de violents crimes inquiètent la population. Mais l’affaire est entre de bonnes mains : celles de Sherlock Holmes. Dès le départ, son attention se tourne vers les Groliche, une vieille famille noble. Mais pour trouver des éléments de preuves, il lui faudra recourir aux stratagèmes les plus inventifs, quitte à se mettre lui-même dans le pétrin. Cette course aux indices l’amènera à une terrible conclusion : le Grand Cerf est de retour !

Le quartier du Magic Land Théâtre n’est pas le plus hospitalier. Mais dès l’ouverture des portes, l’univers haut en couleur déborde jusque sur le trottoir, et la situation géographique n’est plus qu’un détail. En effet, dès le seuil, le public reçoit l’accueil chaleureux de personnages expressifs : un flic monté, une serveuse vulgaire, un anglais à l’allure austère, une prostituée ivrogne,... Tous font preuve d’humour et de talent pour créer une ambiance digne des meilleures « penny blood ».

Après une courte déambulation dans les caves du théâtre, on débouche dans la salle. L’ambiance tient du pub traditionnel : musique irlandaise, bar à côté de la scène principale, un gradin composé de multiples petites tablées et scindé en deux par une large travée centrale. Les gens vont et viennent, se saluent, s’interpellent, rient. Le Magic Land est un lieu de rencontre, de rassemblement, de partage à l’atmosphère chaleureuse et bon enfant.

Le spectacle en lui-même est cocasse. Le texte est inventif, riche en références et en traits d’humour, à tel point que tout le monde y trouve son compte. Ca fuse dans tout les sens, c’est du boulevard de haut niveau ! Les comédiens sont à l’aise sur scène, ils chantent, enchaînent les rôles, changent de costumes, de corporalité, de voix. Ils prennent un pied dingue et ça se voit. Ils font corps avec le public et celui-ci le leur rend bien : pendu à leurs lèvres, il attend la chute, rit au moment opportun, et n’en perd pas une miette.

Dans ce théâtre du signe et de la surcharge, des voûtes gothiques en carton-pâte deviennent les murs de pierre d’une sombre demeure élisabéthaine avec une facilité déconcertante : on se laisse entraîner dans l’univers sans résistance tant on y prend du plaisir. Cette scénographie « naturaliste » dessine les espaces et se laisse oublier au profit des comédiens, que demander de plus ?

Et si cette convention du « signe et de la surcharge », dans le jeu des comédiens, peut parfois surprendre, chacun d’entre eux met sa présence et sa personnalité au service de l’action, et tous les spectateurs y trouvent leur compte.

À la mise en scène, Patrice Chaboud fait des merveilles. Bien que les espaces de jeu grimpent à l’assaut des murs, la visibilité et la mise en lumière sont parfaites. Le rythme endiablé participe tant à faire jaillir le rire du public qu’on en souhaiterait que cela s’accélère encore. Et malgré cela, les comédiens s’écoutent en pleine présence, improvisent s’il le faut et enchaînent avec maestria. Bravo !