Jeudi 18 septembre 2014, par Jean Campion

Rire pour défier la bêtise

Quand on le questionne sur le message véhiculé par "Enfer", Dominique Bréda répond par une pirouette : "Il y a un abruti qui sommeille en chacun de nous. J’adore l’idée de le choper et de lui faire sa fête devant tout le monde." Certes, cette pièce qui prolonge "Purgatoire" n’assène pas de grandes vérités. Mais en riant de tout ce qui nous gâche la vie, l’auteur nous pousse à nous interroger sur la condition humaine.

Chapeautant des sketches souvent très drôles par des titres sérieux comme : "Le Doute", "Le Destin", "L’Angoisse", "Le Déclin", "Le Néant", il nous confirme sa volonté d’exorciser le tragique de l’existence, par son humour grinçant et son sens de l’absurde. Au départ, deux situations surréalistes donnent le ton. Des cellules passent au crible les facteurs héréditaires d’un être en devenir. En fonction de cet inventaire, elles se décideront à mettre cette vie en route. Dans son cabinet, un docteur rassure une malade sur son état de santé, mais hésite longuement à lui révéler qu’un jour... elle va mourir. Une évidence que la patiente soulagée lui renvoie comme un boomerang. Le médecin s’en remettra-t-il ?

Pour Dominique Bréda, fervent athée, le purgatoire ou l’enfer, s’ils existent, se situent sur terre. D’où l’humour noir qui teinte certaines scènes. Lorsqu’un aviateur est harcelé par un enfant qui lui demande de dessiner un mouton, on s’amuse de cette parodie du "Petit prince". Mais le rire devient jaune devant l’effondrement de ce militaire, responsable d’un bombardement. Les bavardages des vacanciers qui se dorent sur une plage, menacée par un tsunami ou les excentricités des passagers d’un paquebot fonçant vers le néant, sont cocasses. Mais l’ombre de la mort plane...

Cependant plusieurs séquences nous entraînent dans une plus franche rigolade. L’émission de télé consacrée aux connards est désopilante. Comment résister à la crétinerie des spécimens, aux tics de l’animateur ou à la logorrhée de la spécialiste ? Une réunion familiale très caricaturale rend risible l’invitation d’une maman à se montrer charitable. Aussi égocentrique que chaque membre de la famille, elle est condamnée à une indifférence monstrueuse. Pour aider un couple à retrouver l’harmonie, un psy propose un jeu de rôles. Dans la peau de l’autre, chacun libère ses rancoeurs et transforme cette consultation conjugale en un règlement de comptes jubilatoire.

Inévitablement, cette succession de sketches indépendants nous incite à les comparer. Et les plus percutants font de l’ombre à ceux qui se réduisent à un gag. On aimerait aussi que les enchaînements soient plus rapides. Mais "Enfer" réjouira les nombreux spectateurs qui ont applaudi "Purgatoire". La plume acérée de Dominique Bréda, l’aisance et la complémentarité de comédiens talentueux offrent de sérieuses garanties.