Mercredi 7 janvier 2015, par Laura Bejarano Medina

Retour vers le passé

Lauréat du Prix de la Critique 2010 et du Prix du Meilleur Auteur belge 2012 décerné par l’Académie française de Belgique, Dominique Bréda revient au Théâtre des Martyrs, après une tournée à succès, avec son spectacle « New York ». Écrite et mise en scène en 2010, cette comédie fantastique nous fait voyager au cœur de l’imaginaire, enrobant les souffrances de l’existence d’un humour noir et cynique.

Sur le quai d’une gare vide et désaffectée, un homme assis sur un banc semble perdu dans ses pensées. Il s’appelle Max, il a trente-cinq ans, l’âge qu’avait son père lorsqu’il s’est suicidé en se jetant sous un train. Max se trouve à l’endroit même où ce drame s’est produit. Enfermé dans un passé douloureux qu’il cherche à comprendre, il revit inlassablement le suicide de son père jusqu’à ce qu’un curieux chef de gare vienne troubler son délire nocturne.

Délicieusement comique, « New York » nous prend à témoin du dialogue surréaliste que Max entretient avec le fantôme de son père et le souvenir d’un chef de gare, tous deux fruits de son hallucination prolongée par l’alcool et les médicaments. Sans cesse ponctué et interrompu par la vision cauchemardesque du père qui se jette encore et encore sur les rails, ce soliloque déguisé donne naissance à des situations décalées et absurdes, qui font rire ou sourire dans une atmosphère pourtant pathétique et pesante. Soutenu par la justesse d’interprétation d’Alexandre Crepet, Emmanuel Dekoninck et Alexis Goslain, « New York » s’enrichit de personnages aux personnalités touchantes ; Max, l’écrivain maudit, paumé, sarcastique et en colère (Alexis Goslain), le chef de gare, attendrissant, niais, bavard et envahissant (Emmanuel Dekoninck) et le père, sensible et bienveillant (Alexandre Crepet).

En quête d’un juste équilibre entre la comédie et le drame, Dominique Bréda utilise le rire pour prendre de la distance par rapport aux événements tragiques et traiter un sujet difficile sans baigner dans les lamentations ou les grands élans sentimentaux. À travers un rythme qu’on voudrait peut-être plus tranchant et plus alerte pour un spectacle qui repose sur le verbal, « New York » nous raconte la perte de repères, la solitude et la rancœur d’une âme prisonnière d’un passé qui a conditionné toute sa vie, tiraillée entre une enfance gâchée et un présent qui n’en peut plus d’attendre.

Spectacle drôle et émouvant, « New York » nous parle de la mort, du deuil et des blessures que le temps n’efface pas. Du délire à la lucidité, de l’ironie à l’émotion, de la rancœur au pardon, Dominique Bréda nous invite à monter dans ce train imaginaire pour New York, laissant le libre choix au spectateur intimidé de rester à quai et au spectateur fasciné d’embarquer vers le surréalisme.

Laura Bejarano Medina