Jeudi 10 mai 2018, par Yuri Didion

Qui tire les ficelles ?

Lorsque Céleste (F. Rodriguez), atterrit à l’Ecole des Ventriloques, il découvre un univers étrange où les pantins dominent les humains qui les manipulent. S’ensuit une série de rencontres au travers desquelles il va à la découverte de ce collège et de l’apprentissage qu’il offre : qui tire les ficelles ?

Ne vous fiez pas aux titres. Ici, ni marionnettes dirigées depuis un castelet, ni manipulateurs aux bouches closes. Mais des pantins à taille humaine greffés sur les costumes ou enfilés pas les comédiens qui leur donnent vie. Toute la technique est à vue, ce qui élève la prestation à l’état d’exploit : si l’on oublie assez vite l’humain derrière la marionnette, celui-ci crée parfois la surprise en dialoguant avec son propre pantin.

Tout cela se déroule dans une ambiance inquiétante, fantastiquement dessinée par une scénographie qui évoque irrémédiablement l’ascèse, la discipline et l’abandon de soi : niveau décors, le fond de scène est constitué de casiers d’écoles qui servent d’entrées, de cadres et de grillages industriel ; et côté costumes, les acteurs portent la soutane. Le seul qui se distingue, c’est Céleste dans son trois pièces jaune, une couleur qui - si elle est associée depuis la Moyen-Âge aux traîtres, adultères et aux malades (ce qui explique sa rareté dans la liturgie catholique) - rappelle aujourd’hui la lumière, la fête, la puissance. Tout un symbole, qui souligne la figure presque christique du personnage : Céleste, fils du Ciel, qui trouvera d’ailleurs au fond de lui un Saint, une Génie, un Héros.

Car c’est bien de cette découverte qu’il est question. Ce qu’enseigne l’Ecole des Ventriloques, ce que révèlent les marionnettes, c’est ce qui se cache au fond de nous, dans les coins sombres de nos esprits. Ainsi, la jeune Nonnelle est-elle habitée par une prof libidineuse, humiliante et décatie, quand d’autres sont hantés de perversions pires encore... Cette thématique est d’ailleurs appuyée par les vidéos qui interviennent entre les scènes. On y voit des humains mis à nous chercher leur place. Cela renforce d’autant l’ambiance malsaine qui règne sur scène.

De plus, les marionnettes, bien qu’à taille humaine, sont suffisamment grotesques pour pouvoir être vulgaires, iconoclastes et attirer, avec insolence, le rire. Cela donne une comédie féroce, qui s’appuie sur la force des symboles pour chuchoter à notre inconscient, et sur la virtuosité technique pour nous entraîner dans leur univers. Fantastique !