Lundi 25 février 2013, par Céline Brut

"Qui parle de femme, parle du Diable !"

C’est un sujet épineux auquel s’attaque une fois de plus Carlo Goldoni, le fameux dramaturge italien. On tente, tant bien que mal, de caricaturer l’haïssable façon dont certains maris traitent (encore ?) leurs femmes. Une belle leçon de féminisme qui pourra néanmoins en agacer certains, en irriter d’autres et en amuser tout de même quelque uns.

« L’action se situe à Venise durant le Carnaval ». On devine dans les rues des cris, des rires, de beaux costumes. De la fenêtre une jeune fille et sa belle-mère guettent. Hors des murs de leur maison, elles ne sont rien, ne font rien et ne voient personne. Dans cette vieille Venise, la femme moderne occidentale n’existe pas encore. Pourtant, le texte de Goldoni laisse entendre qu’elle sommeille en chacune des vénitiennes. On espère alors que la musique du Carnaval va réveiller les italiennes et que l’on aura droit à une belle controverse, à des femmes aux caractères forts et ambitieux, à des extraverties masquées… Mais c’est un discours bien moins piquant qui attend le public. Seuls les hommes hausseront le ton. La pièce plonge le spectateur dans une longue et incessante plainte à l’intonation virile. Et ça ne s’arrête pas. Encore et encore les maris critiquent, s’exaspèrent, s’impatientent devant leurs épouses, toutes soumises et asservies qu’elles sont. Un discours réitératif qui en fera bailler plus d’uns. La durée de certaines scènes n’arrangeant rien à la chose.

Heureusement, le talent des comédiens sauve les meubles. Même s’ils ne se valent pas tous, une belle énergie émane de la troupe. Puis, il faut préciser qu’ils sont nombreux sur les planches du théâtre des Martyrs. Plus on est de fous, plus on rit, retiendra-t-on. Les spectateurs ont le plaisir de les découvrir au fur et à mesure de la pièce, ce qui aura pour effet de réveiller les endormis du fond de la salle. Passé la mi-temps, les scènes s’enchaînent, les personnages défilent et les rires du public retentissent. Il était temps que la farce italienne prenne son envol. De l’humour, des messes basses et de beaux costumes, les ingrédients sont enfin réunis. La fin, dynamique et cocasse, fait regretter le début morne de la pièce.

La conclusion, quelque peu moralisatrice, fait sourire même si certains lèveront les yeux au ciel. À dix, ils peignent une extravagante fresque de la place de la femme dans la société et finissent en beauté ensemble sur scène, tout en évitant le grand n’importe quoi de la foule masquée du Carnaval vénitien.

Céline Brut