Jeudi 28 décembre 2017, par Yuri Didion

Quatre comédiennes courageuses

Dans une suite de sketches, quatre comédiennes racontent les femmes : ce qu’elles traversent, ce qui les anime, les inquiète. Elles jouent sur différents tableaux, passant du dramatique au comique, pour tenter de rendre vivant un diaporama aussi long que laborieux.

La première chose que l’on perçoit dans Le cirque des femmes, c’est le sens de son titre : du cirque, on retrouve le ton surjoué et l’enchaînement des numéros. Ainsi apparaît une première question : faut-il comprendre que les femmes sont des clowns, des bêtes de foires, des animaux savants ? Si, heureusement, rien dans le texte ne permet d’aller dans ce sens, cette question met en évidence ce qui manque le plus à ce spectacle : un dramaturge.
Car le montage mériterait un sérieux élagage. Créé sur base d’improvisations, il les reprend vraisemblablement toutes, des plus longues aux plus courtes. Le public assiste ainsi à des "thématiques" qui se répètent : ce qui vous choque, ce qui vous attriste, la rupture, etc... Si cela offre des facettes différentes et pourrait tendre vers une richesse, la première chose que vit le public, c’est la longueur de l’ensemble.
De plus, les arguments avancés, les histoires racontées manquent de vigueur. Il n’y a pas grand chose de neuf d’un point de vue féministe dans ce qui est raconté. De deux choses l’une : soit cela dénonce le fait que les choses n’ont pas bougé, mais c’est alors une dénonciation assez timorée, soit c’est que le travail est tombé dans le piège des lieux communs de la question de la femme (rôle de pouvoir, salaire, sentiments, sexualité) et qu’il n’a pas été plus loin, plus en profondeur.

Niveau direction d’acteur, il faut également souligner quelques erreurs. Les passages entre les moments d’ironie et les moments de sincérité sont assez mal mis en place, si bien qu’on ne sait plus toujours les distinguer. Ainsi l’une des séquence commence dans ce qui doit être de l’ironie ("Être une femme c’est : être belle, ...") et avance vers ce qui devrait être autre chose ("...être mère, ou pas, ...") sans que le moindre changement ne soit visible. Ensuite, le jeu de redondance plombe encore un peu plus ce qui bat déjà de l’aile : faire un chœur qui gémis à chaque fois que dans un discours, la soliste parle du désir, c’est bien, cela fait clown, mais si cela ne transforme en rien le discours, si cela n’entraîne aucun changement chez la soliste, c’est assez épuisant.

Pour couronner le tout, la scénographie axée "déclamation" - autant dire absente - appuie sur le côté scolaire du montage

Ce spectacle repose donc essentiellement sur les épaules des quatre comédiennes aussi talentueuses que courageuses : elles tiennent bon, elles maîtrisent les différents registres dans lesquels elles jouent, elles chantent bien, leur énergie est au rendez-vous malgré l’accueil glacé du public. Bravo à elles.

Toutefois, ce qui est déprécié plus haut fait également de ce travail un spectacle-école. Entendez ici qu’avec cette structure d’écriture sur impros si visible, qu’avec le discours ambigu très critiquable, c’est un spectacle sur lequel il y a moyen de construire une leçon, un cours autour de questions théâtrales : sensibilisation à l’acteur-créateur, réflexions sur la création d’un spectacle, le rôle du metteur en scène ou la différence entre ce qui est perçu et ce qui est pensé. A creuser, et pourquoi pas, à conseiller aux professeurs des sections concernées.