Mercredi 24 octobre 2012, par Céline Verlant

Quand un bal tango fait tanguer l’imaginaire…

« Au café du port » est un bar perdu au bord de l’océan d’une Buenos Aires imaginaire où des femmes et des hommes se croisent, se rencontrent parfois, entre poésie, rêverie, amour, séduction. Et solitude, jalousie, nostalgie aussi. Des danseurs de tango, un garçon de café clownesque et un enfant des rues à la peau noire, trouvent un certain réconfort auprès de la chanteuse et de l’orchestre qui joue tous les soirs dans ce lieu intemporel.

A l’heure où le revival tango est à l’oeuvre à Bruxelles, ce spectacle plaira au grand public. Les amateurs plus avertis y trouveront l’atmosphère archétypale d’un tango qui a gagné ses titres de noblesse, loin des débuts provocateurs et explicites des danses nées à la fin du XIXème siècle, dans les bordels des quartiers populaires de la capitale argentine. Au rythme du répertoire des années 30, le Bruxelles Aires Tango Orchestra a retranscrit et réarrangé des chansons de Carlos Gardel, du tango nuevo d’Astor Piazzolla, mis en mouvement par la danseuse Elisabeth Mullier et son collectif de six danseurs. Quelques compositions de Josselin Moinet, porteur du projet, agrémentent cette fiction musicale mise en scène par Eve Bonfanti.

S’il est vrai que ce spectacle allie, dans une ambiance de cabaret, le théâtre, la danse, le chant et la musique, il apparaît davantage comme un « concert mis en scène » que comme un « bal-fiction » (comme le qualifient les protagonistes du projet) ou une « pièce de théâtre avec musique live » (comme les noms d’Eve Bonfanti et d’Yves Hunstad le laissent présager à certains spectateurs qui connaissent le magnifique travail théâtral du tandem de La Fabrique Imaginaire).
C’est donc avant tout le timing régulier des chansons, qui a imposé son séquençage toute les trois minutes à la mise en scène, riche de mille petites trouvailles. Bien que le jeu de la chanteuse, qui s’adresse directement au public, ne convainc pas totalement, il se dégage du café du port une ambiance chaleureuse et une vraie sympathie de ce collectif intergénérationnel (de 7 à 60 ans). Si le nom du génial Yves Hunstad figure bien dans la distribution annoncée de cette création, il faut accepter, si vous connaissez ses extraordinaires talents de comédien (seul-en-scène notamment) de le voir ici dans un rôle restreint et muet, presque celui d’une figuration au service d’un collectif d’une douzaine de musiciens-danseurs, aussi belle et généreuse soit elle.

Céline Verlant