Vendredi 9 novembre 2012, par Céline Verlant

Quand les femmes interrogent leurs re-pères de mères

Ce premier roman a été écrit en 1961 par Marie Denis (de son vrai nom Eliane Stas de Richelle) née en 1920 à Liège. Contemporaine de Simone de Beauvoir, elle est une des pionnières du mouvement féministe en Belgique. Son oeuvre a été récompensée par plusieurs prix. Catherine Meeùs et sa soeur Eléonore ont écrit la pièce à partir du roman de leur grand-mère, rejointes par Stéphanie Van Vyve. Elles y ont ajouté le personnage actuel de Camille, issu de leurs visions personnelles de la femme en 2012. C’est Cécile Van Snick qui s’est proposée à la mise en scène de ce projet, lequel a le mérite de soulever un sujet encore trop tabou dans notre société et peu traité au théâtre : le désir de non-maternité.

A 50 ans d’intervalle, deux femmes s’interrogent sur leurs (non)désirs d’enfants. L’une vit en 1961 et est issue d’un milieu catholique bourgeois. C’est Cécile, 32 ans. Mère d’une famille nombreuse, elle pense être enceinte de son sixième enfant et ne sait comment recevoir cette nouvelle. L’autre vit en 2011 et est furieusement indépendante. C’est Camille, 32 ans. Femme qui ne souhaite pas avoir d’enfant, tout juste séparée de son compagnon pour cette raison, elle va se ressourcer dans la maison de sa grand-mère hospitalisée.

Les conventions, la pression sociale, le conformisme, la transmission familiale, l’horloge biologique, soulèvent des questions très personnelles chez ces deux jeunes femmes, dont les monologues se développent dans une sorte de « dialogue imaginaire ». Toutes deux dénoncent la solitude qui existe dans la vie de couple, et au sein d’une famille. Malgré la lutte néoféministe menée par Marie Denis pour la libération individuelle et sexuelle des femmes (dont le droit à la maternité désirée était une des revendications), le personnage de Camille se rend compte, même si les mentalités ont évolué, à quel point elle vit dans une société pour laquelle la maternité reste une évidence.

Cette Camille d’aujourd’hui est incarnée avec une généreuse authenticité par Stéphanie Van Vyve. On reçoit pleinement son jeu, vif, qui part d’un vécu intérieur riche et très nuancé. Eléonore Meeùs est une Cécile plus conventionnelle, dont le ton général et l’extériorisation des émotions ne convainquent pas totalement ici. Les deux femmes vivent bien sûr dans des époques et des contextes différents, mais pour que la rencontre opère pleinement entre elles, on aurait aimé une meilleure adéquation entre les styles de jeu de ce duo. Il réussit néanmoins à parler d’un sujet difficile, voire grave, avec une certaine légèreté, d’où l’humour n’est, heureusement, pas absent.

Céline Verlant