Ed se sent de plus en plus mal. Son ventre l’encombre, il a envie de vomir. Pas une infirmière pour le rasséréner. Quand sera-t-il libéré par cette foutue césarienne ? Lisa, sa femme, partage son inquiétude. En mettant au monde leur fils Charlie, elle a vécu un accouchement très douloureux. Elle s’efforce d’apaiser son mari, mais se montre maladroite et subit des reproches ridicules : en préparant sa valise, elle a oublié "son thé aux feuilles de framboisier". L’apparition d’une sage-femme ne les rassure pas. Alors qu’Ed et Lisa lui réclament avec insistance des calmants et des précisions sur le déroulement des opérations, Joyce, navrée, reconnaît qu’on ne maîtrise pas la disponibilité des médecins. Lors des visites suivantes, elle affolera Ed, en brandissant avec une nonchalance narquoise, un redoutable crochet, digne d’une torture médiévale et lui imposera une sonde. Cette nuit devient encore plus cauchemardesque, lorsque l’obstétricienne Natasha constate que le bébé est menacé par le cordon autour du cou. Heureusement, un bloc opératoire s’est libéré...
Isolé dans cette chambre sinistre, le couple se soutient et nous laisse entrer dans son intimité. La naissance de Charlie a été un choc pour Ed. Traumatisé par le ventre ensanglanté de sa femme, il s’est senti soulagé, en apprenant qu’elle ne pourrait plus avoir d’enfant. Mais le couple en désirait un deuxième. C’est pourquoi Ed est tombé "enceint". Une solution qui protège la carrière de Lisa. Cadre respectée, elle subvient largement aux besoins du ménage et pourrait même lui offrir un séjour à l’hôpital privé.
Ils se sont malheureusement fourvoyés dans un hôpital public. Joe Penhall stigmatise la décrépitude de cette institution anglaise, avec un humour acerbe. Comme Peter Nichols dans "Santré publique" (1972). Trop peu nombreux les médecins, prisonniers des notes à rédiger, sont incapables de respecter un horaire. Quand elle entre dans une chambre, Joyce (Nancy Nkusi) demande machinalement : "Vous avez été examiné ?". Sans ouvrir le dialogue. Cette sage-femme noire subit le racisme des patients qui reprochent au personnel black son insouciance. Natasha (Dominique Pattuelli) est une obstétricienne consciencieuse, mais bourrée de préjugés. Elle n’a pas voulu devenir gynécologue, parce que "C’est un monde d’hommes." Elle est très étonnée qu’un homme "enceint" ne soit pas homo. Cette femme qui met au monde des bébés n’a jamais désiré en avoir. Contrairement à Joyce, fière de ses quatre enfants.
Bien sûr, la situation saugrenue nous intrigue. Et l’on rit du ventre ballonné, de l’utérus artificiel et des simulacres de traitements barbares. Cependant, par la maîtrise de son jeu, Eno Krojanker réussit à rendre crédible et attachant ce personnage atypique. Anabel Lopez fait de Lisa une épouse bienveillante et solidaire. Elle tolère les caprices et les jérémiades de son mari aux abois, mais proteste violemment contre l’incurie des soignants. Par sa mise en scène énergique, Julie-Anne Roth s’est efforcée de dynamiser cette très longue préparation à l’accouchement. Dommage que la pièce s’essouffle à cause de la parenthèse des complications post-natales. En revanche, dans un dialogue nuancé, les héros se montrent conscients que la parentalité nourrit ET menace l’amour.
Comédie cocasse et entraînante, "Birthday" fustige les dérives d’un système hospitalier, égratigne certains préjugés et remet en question la vision patriarcale de la mère.
Photos : © Prunelle Rulens
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