Lundi 13 octobre 2014, par Céline Verlant

Quand l’amour mineur provoque un écart majeur

Un sujet tabou, assez rarement traité dans les créations scéniques contemporaines : la rencontre d’une adolescente en construction et d’un homme mûr. Partant du constat que, durant leur adolescence, de nombreuses femmes ont été en relation affective ou sexuelle avec un homme adulte, Suzanne Emond et Marie-Astrid Legrand ont conçu une pièce qui explore les traces que laissent de telles relations.

Lorsqu’Annabelle, seize ans, croise le chemin de son nouveau voisin, Serge, quarante ans, son besoin d’être quelqu’un est nourri car il lui parle différemment. Elle a soif de vivre, d’être reconnue et face à lui, se sent femme. Mais lorsqu’elle engage la séduction, sa maturité et son inexpérience vont lui jouer des tours. Elle n’imagine pas un instant le tsunami qui va dévaster ses jeunes fondations affectives.

L’écriture très juste et la mise en scène sobre de Suzanne Emond réussissent à faire entendre un texte à la fois profond et léger, évitant le pathos, les dérives du voyeurisme et de la vulgarité, sans toutefois tomber dans l’allusif ou la censure : ce qui doit être dit est dit pour que la dramaturgie opère et que les spectateurs puissent recevoir les tensions d’un scénario bien amené. L’humour, l’amitié, la tristesse, la tendresse, la colère trouvent habilement leur place dans un propos sensible à traiter, et interprété avec générosité par une distribution convaincante (Marie-Astrid Legrand, Gaëtan Wenders et Léonore Fresnois). Une création de La Compagnie des Chercheuses d’Or qui mérite assurément d’être vue.

Céline Verlant