Samedi 26 octobre 2019, par Palmina Di Meo

Quand Kacen incarne Gary

« Depuis qu’elle est partie, aux premières pâleurs d’octobre, je me suis fait la même promesse. Sans originalité, sans fierté, sans talent. Presque par imitation. Celle de déposer le monde aux pieds de ma mère, heureux, juste, digne d’elle ».

Romain Gary, de son véritable nom Roman Kacew, écrivain réputé « insaisissable », aux identités multiples, raconte dans « La promesse de l’aube » sa relation fantasque et fusionnelle avec sa mère. Supposée actrice russe, Nina, est une femme déterminée au tempérament de feu, habitée d’un amour sans modération mêlé de désirs de gloire et de revanche pour ce fils unique qu’elle place sur un piédestal et qu’elle élève seule dans un contexte d’antisémitisme et de fins de mois difficiles.

Sous son impulsion délirante, le jeune Romain doit rapidement vaincre ses appréhensions et acquérir l’audace requise pour se lancer dans les aventures les plus improbables et farfelues.
Répondant aux ambitions de sa mère, il sera militaire, aviateur et résistant pour défendre la France si chérie de sa mère, et deviendra même consul de France, pays d’adoption où il débarque à l’âge de 11 ans. Il aimait dire : « Ma nationalité, c’est Français libre ».
Romancier, il remporte deux Goncourt.
Avec la complicité d’Itsik Elbaz, lui-même comédien et metteur en scène, Michel Kacenelenbogen, se glisse avec retenue et un savant mélange d’abnégation et de tendresse dans une fresque toute en finesse et jeux de piste de l’enfance et des principaux défis de Romain Gary.

« La promesse de l’aube », paru en 1960, est le récit d’une épopée, celle d’un fils qui doit honorer l’amour hors norme de sa mère, cadeau fortuit de la vie, en se montrant digne des prophéties de celle qui n’avait aucun doute sur le génie de son rejeton.
Michel Kacenelebogen réussit ce portrait délicat entre sensibilité maîtrisée, résignation et gratitude où l’homme accompli pose un regard attendri et distancié sur le périple d’une enfance ponctuée d’exploits avortés et de défis à relever vers un accomplissement de soi salutaire.

Avant de mourir, Gary confiait : « Quand je prends un pseudonyme, c’est pour jeter ce masque qui m’a été imposé par la notoriété et tout ce qui l’accompagne, et pour retrouver une sorte de virginité originelle. »
C’est cette virginité qui imprègne le récit romancé de « La promesse de l’aube ».

Si vous n’avez pas vu le spectacle, largement encensé par la critique, empressez-vous d’y aller ! Le jeu est sobre, dépourvu de lyrisme, d’une efficacité sans faille, drôle et bouleversant. À voir sans tarder !

Palmina Di Meo