Jeudi 11 septembre 2014, par Céline Verlant

Quand Eros et la Psy(ché) ne se gênent pas, y’a du plaisir !

Lui : il est accroupi, en bleu de travail, la ceinture bardée d’outils oblongs. Il astique avec soin le filtre de la douche dont il vient de réparer la fuite. Il se redresse et tombe nez-à-sein sur sa cliente. Elle : elle s’exhibe fiévreusement dans un déshabillé dont la longueur est inversement proportionnelle à celle de ses talons aiguilles. Et la soie lui colle autant au corps qu’elle colle celui de son plombier.

Allez savoir pourquoi, cette scène qui s’achève de facto par une séquence pornographique dans les films du même nom, prend ici une tournure moins trash, mais tout aussi cash. Elle lui propose un paiement en nature. Il accepte, à condition qu’elle réponde à une question : « Pourquoi ? » Commence alors une discussion obsessionnelle qui est aux relations hommes-femmes, ce que le Kâmasûtra est au sexe : on n’a jamais fini d’en faire le tour. Et voilà que la cliente échauffée lui retourne la question, dans une autre scène toujours pas obscène. 

Elle veut de la baise, de la vraie. Il n’en est pas à son premier petit coup vite fait avec une cliente. Et pourtant, le moins que l’on puisse dire, c’est que la mécanique des fluides hormonaux n’est pas très stable entre ces deux-là : entre excitation incendiaire et douche froide, le désir n’est jamais tiède. Les vannes sont à fleur de peau, les âmes perdent leurs eaux, et c’est le bébé qui part avec l’eau de la douche… Un dynamique mélange d’eau dans le gaz et d’électricité dans l’air qui excite le flexible des zygomatiques.

On pourrait craindre, en découvrant le pitch et la scénographie sobre et symétrique, que la pièce tombe dans une simple négociation mâle-femelle sous la forme d’une banale partie de ping-pong verbal. Ce serait méconnaître le savoir-faire de Philippe Blasband, dont l’écriture érotico-légère distille ici humour et subtilité à travers une mise en scène, des rebondissements scénaristiques et des dialogues bien conduits.

Charlie Dupont est un plombier moustachu qui n’a pas sa langue dans la poche de sa salopette. Son jeu tout en retenue et finesse lui permet même une chansonnette vaginale qui n’a pas l’once d’une vulgarité et titille chaleureusement les rires des spectateurs. C’est dire si la maîtrise du jeu du comédien est grande. Tania Garbarski incarne la psy divorcée, sensible et généreuse, au jeu plus exalté. De toute évidence, le plaisir que ce couple prend à jouer ensemble rejaillit sur le public réjoui.

De corps-à-corps en désaccord, le raccordement du plombier et de la psy sera-t-il possible ? Le Cupidon est-il cupide, ou fera-t-il don de sa facture après les fractures riches en émotions ? Pour découv’rire les réparations, suivez les flèches du Théâtre Le Public.

Céline Verlant