Mercredi 23 février 2011, par Xavier Campion

Quand Cojo cogite... Ziggy ressuscite

Gling gling glinglinglinglingling gling glingling... (intro guitare de Ziggy Stardust – David Bowie). Une phrase musicale mythique qui rythme une bonne partie de ce moment théâtral déjanté. Rien de plus normal, vu que c’est la source d’inspiration de la dernière création de Renaud Cojo. Ce comédien-metteur en scène français est en effet connu pour ses expérimentations dépassant largement le domaine du théâtre. Ici, il entraîne brillamment son public dans les délires de sa passion pour Bowie, dans le dédoublement et la schizophrénie. Dans un univers aux apparences bordéliques mais finalement pas plus que l’esprit artistique.

On peut dire que Cojo s’est beaucoup amusé et est allé au bout de son idée. Elle était assez simple : étudier ou du moins essayer de comprendre le dédoublement de la personnalité chez David Bowie et son personnage de Ziggy Stardust. Pour rappel, début des années 1970, le chanteur avait créé ce personnage coloré pour vaincre sans doute une certaine peur de la confrontation publique. Mais c’était finalement une manière d’exploiter sans retenue son riche potentiel. Un an et demi plus tard, Ziggy Stardust faisait ses adieux officiels sur scène. Il était mort, Bowie renaissait.
En grand fan, donc, Renaud Cojo a d’abord pris sa caméra et est parti sur les traces de ce mythe du rock. Traces emblématiques (comme la rue où a été prise la photo de la pochette de l’album « The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars »), traces psychanalytiques (l’interview par Cojo – déguisé lui-même en Ziggy Stardust - d’un psychanalyste à propos du phénomène de dédoublement) et traces dérivées (les reprises – covers – de Bowie par d’autres passionnés inconditionnels).

Tous ces matériaux forment le terreau de ce qu’on retrouve sur scène. Celle-ci devient un véritable laboratoire où Renaud Cojo expérimente son matériel vidéo et son jeu double de comédien/star du rock. Sur le plateau s’étale une composition d’écrans, une table « d’opération », une cabine de téléphone londonienne rouge et centrale, des caméras et des micros sur pieds. Et côté cour, un petit salon rétro a été installé. Il sert de lieu de lecture (par un lecteur/une lectrice différente à chaque représentation) d’ouvrages psychanalytiques traitant notamment de schizophrénie et de dédoublement chez l’artiste. L’argument scientifique stabilisateur.

Cet apparent fatras reflète l’univers tortueux et pourtant réalité chez l’artiste. Et puis, au fond, tout se tient dans ce spectacle. Jusqu’au personnage du stagiaire que Cojo a mis en scène comme regard extérieur sur lui même/Ziggy Stardust/David Bowie.
En utilisant le multimédia, un rythme rapide, un ton saccadé, des traits d’humour légers (mais pas toujours fins...) et des accessoires à gogo, Cojo marque au moins le point de l’audace et de la démarche curieuse.
Et pour le reste, il ne faut pas forcément être un grand fan de Bowie pour y trouver satisfaction. Qui n’a jamais parlé à un ami imaginaire ?

Samuël Bury