Samedi 3 mai 2014, par Céline Verlant

Quand Alice part au pays du sommeil, ça réveille.

Parce que l’accompagnement au décès médicalisé est davantage un processus de vie que de mort, le Théâtre de Poche s’intéresse aux enjeux de cette pratique encore trop peu connue. Pour ouvrir la réflexion au public, dans une discussion libérée du poids historique, c’est la pièce de Lukas Bärfuss que Le Poche a choisie. Élu « Auteur dramatique de l’année » en 2005, il est l’un des jeunes auteurs dramatiques suisses les plus joués dans les pays germanophones.

Alice a un rendez-vous important avec le Docteur Strom, un médecin controversé qui a accepté de l’assister dans son désir de mettre un terme à ses souffrances continuelles. Elle s’apprête donc à prendre le train pour la Suisse, le pays qui a fondé la Croix-Rouge, oui, celle qui aide les gens.

Si le sexe était le premier tabou de notre société avant la Première Guerre Mondiale, c’est celui de la mort qui a ensuite pris le relais car elle nous confronte à une réalité qui nous choque. Mais, heureusement, les choses évoluent vers une nouvelle demande collective : celle de pouvoir mourir dans la dignité, notamment par le suicide assisté. La pièce balaie les non-dits que notre société aseptisée a dressés autour de la mort. Des personnages étonnants, drôles, émouvants, défilent dans de courtes scènes mêlant rationnel et absurde. Dans ces allers et venues, Alice, sa mère, un autre patient, le médecin et son assistante, questionnent l’inexorable fin qui se présentera un jour à chacun d’entre nous.

Tout en simplicité, la scénographie d’Olivier Wiame, est au service des comédiens : les espaces de jeu délimités par des lignes blanches au sol rappellent celles d’un court de tennis. C’est à un rythme soutenu que l’équipe, distribuée avec succès, s’y renvoie la balle. L’écriture nette et franche s’y déploie en un match captivant opposant la vie et la mort. Le propos, s’il frôle parfois les limites du terrain de l’ouverture d’esprit, n’est jamais « out », car il est musclé quand l’effort l’exige, et souple là où l’âme humaine en a besoin. Si la question « Peut-on choisir quand et comment mourir ? » vous interpelle, prenez donc rendez-vous avec le docteur Strom au Poche.

Céline Verlant