Mercredi 21 janvier 2015, par Christophe Ménier

Première adaptation française (réussie) du best-seller américain

La pièce Un été à Osage County (titre original : August : Osage County) écrite par l’auteur américain Tracy Letts en 2007, et pour laquelle il reçoit le prix Pulitzer la même année, a déjà été adaptée dans une dizaine de langues, sauf en français. Dominique Pitoiset combla ce manque en proposant, la semaine dernière, une première adaptation de ce petit bijou de la littérature anglo-saxone au théâtre de Liège.

En Oklahoma, dans les années 2000, Beverly Weston, ex-poète alcoolique à la retraite, quitte son domicile sans donner aucun signe de vie. Ses trois filles se retrouvent alors chez leur mère, Violet, dans la villa familiale, accompagnées de leurs conjoints, enfants, amants. Le corps de Beverly est retrouvé : il s’est visiblement suicidé. Sa femme, Violet, qui souffre d’un cancer de la bouche et d’une accoutumance aux médicaments, profite de la veillée funèbre pour n’épargner personne en mettant à jours certains secrets enfouis, et en faisant éclater de dérangeantes vérités. Une domestique indienne – au sens de « native américaine » – se retrouve en retrait du drame familial et en même temps en son cœur, sa présence discrète d’ « étrangère » mettant en relief tous les paradoxes de cette culture américaine en perte de vitesse.

Le spectacle proposé par la théâtre de Liège au début de ce premier semestre 2015 est une agréable surprise. Il faut saluer l’incroyable performance d’Annie Mercier qui, le verbe méchant, tient son public avec virtuosité : chaque réplique fait mouche, et son interprétation donne une tonalité bouleversante à l’ensemble de la pièce. Grâce à une violence souterraine indélébile, le spectacle dépasse le simple cadre de la réunion de famille pour explorer les tréfonds de l’âme humaine dans un terrible festival - adultère, éphébophilie, inceste, mais aussi la plus amère des solitudes. L’écriture, précise sans être vaniteuse, offre un écrin formidable aux acteurs, tous très justes dans cette famille dysfonctionnante. L’atmosphère qui y règne laisse songer à Tennessee Williams dans Un tramway nommé désir, ou encore à American Beauty de Sam Mendes.

La mise en scène et la scénographie, imposante, donne un cadre réaliste à ce mélodrame, et la musique de Johnny Casch permet au spectateur de se plonger dans cette Amérique provinciale. Un spectacle à ne pas manquer, en tournée en France jusqu’au mois de mars. On espère qu’il sera repris prochainement en Belgique.

Christophe Menier