Lundi 11 février 2013, par Thomas Dechamps

Plein les yeux

Vision fait se confronter le théâtre et le cinéma. La pièce s’amuse à mélanger surréalisme, mythes antiques et scènes hollywoodiennes. Pierre Megos (auteur) et Thomas Delord (scénographe) nous invitent à aller à la source même de la création en assistant à la création d’un film en temps réel. En résulte un spectacle brillant, aux multiples niveaux, à la fois expérimental et parfaitement construit, qui changera votre vision de la scène et de l’écran.

A l’écran, une histoire hollywoodienne de genre « post-apocalyptique » s’écrit sous nos yeux. M. John, un homme ordinaire, erre dans un monde abandonné et inquiétant. Il se retrouve bientôt confronté aux habitants d’une société totalitaire futuriste, enfermés dans leur monde souterrain. Or une ancienne prophétie annonce l’arrivée d’un Elu providentiel. Sera-t-il celui qui les sauvera tous ?

Dans le film, les influences se croisent et se mélangent pour donner une œuvre profondément originale où l’humour succède à l’horreur. L’esthétique du film emprunte autant au surréalisme d’un Magritte ou d’un photographe comme Rodney Smith, qu’aux décors hollywoodiens. Certains éléments rappellent fortement THX 1138, premier film et œuvre avant-gardiste de George Lucas, pour l’ambiance mais aussi en partie le scénario. Tandis que d’autres passages s’inspirent clairement des comédies musicales de Broadway, surtout lorsque retentit l’air du Hard Knock Life tiré du show des années septante Annie. On passe aussi par Platon ou le cinéma muet, le tout donnant un cocktail forcément déstabilisant mais jouissif.

Pendant ce temps, sur la scène, un comédien se produit devant les caméras. Seul au milieu des écrans bleus, il se rêve à Hollywood. Il s’agite sur le plateau, aussi solitaire que son personnage, et utilise son imaginaire pour construire l’histoire en temps réel. Pris dans son récit, il joue devant un public sans jamais s’adresser à lui, et nous l’observons interpréter le film que nous sommes est train de regarder. Comme une sorte de « making-of » visible en réel, comme si les bonus étaient visionnés en même temps que le film original.

Vision est une œuvre à plusieurs niveaux et aux multiples sens. Notre regard est attiré par différentes choses en même temps, et nos yeux ne sachant jamais vraiment quoi choisir, il en résulte un spectacle profondément visuel et intriguant. Et c’est justement lorsque notre esprit commence à lier le tout que la pièce vole en éclat, que le personnage redevient acteur avant que de nouveaux niveaux n’apparaissent et que tout soit à nouveau chamboulé. Le récit passera alors par l’absurde et le rire sans jamais perdre de sa force et de son attrait visuel. A la sortie, on ne sait plus trop ce que l’on a vu et les sentiments se mêlent tant on est passé par différentes choses, mais on ressort avec l’impression d’avoir assisté à quelque chose d’inoubliable.

Thomas Dechamps