Lundi 15 octobre 2012, par Catherine Sokolowski

Petites cachotteries et autres drôleries

Jouée en 2011 au théâtre des Galeries, « la Puce à l’oreille » revient cette année au théâtre Le Public. Autre lieu, autre interprétation, Feydeau est indémodable, surtout quand il est repris par des acteurs talentueux qui semblent prendre autant de plaisir à jouer que le public à les regarder. Faut-il encore décrire l’essence du théâtre populaire de ce grand auteur, ses enchaînements loufoques, ses quiproquos basés sur l’imagination débordante de femmes mariées ou sur la présence incongrue d’un sosie parfait. Beaucoup d’enthousiasme dans cette nouvelle adaptation très contemporaine, orchestrée par Daniela Bisconti et Renata Gorka (scénographe), qui ne laisse aucune place aux temps morts. Pas de décor, seules deux grandes portes tournantes délimitent un espace ouvert rectangulaire sur lequel se déroule une avalanche de rebondissements qui captent toute l’attention !

Écrite en 1907, la pièce garde tout son charme. Raymonde Chandebise (Amélie Saye) a découvert des bretelles dans le courrier de son mari Victor-Emmanuel (Bernard Cogniaux) et en a déduit qu’il la trompe, d’autant qu’il semble ne plus avoir envie d’elle. Il y a effectivement de quoi mettre la puce à l’oreille ! Son amie, Lucienne (Flavia Papadaniel), écrit une lettre enflammée au mari soupçonné d’infidélité pour lui donner rendez-vous au Minet-Galant, hôtel de passe dont provenaient les bretelles, afin de tester l’hypothèse de Raymonde.

Feydeau disait que « le mouvement est la condition essentielle du théâtre », la proximité entre les spectateurs et les acteurs donne ici une dimension particulière aux déplacements parfois très rapides des protagonistes. On se croirait à l’hôtel alors qu’il n’y a pas de décor, on est chez le docteur alors qu’il n’y a pas de cabinet médical. Les personnages sont très typés et hauts en couleur, particulièrement Tournel, chargé de remplacer Victor-Emmanuel au rendez-vous galant, interprété avec emphase et exagération par Maroine Amimi. Comique de répétition aussi avec Camille (Grigory Collomb), l’« homme qui n’a que des voyelles à vous offrir », doté d’un gros défaut de prononciation qu’il arrive à rendre sympathique. Chaque comédien apporte son petit grain de sable à ce Feydeau jubilatoire, un public témoin et complice, une très belle occasion de partager des éclats de rire et de savourer des textes soignés.