Mercredi 11 septembre 2013, par Thomas Dechamps

Personne n’est tout blanc ou tout noir

Le théâtre Le Public ouvre la saison en beauté avec une pièce en forme de thriller juridique, dont le rythme rapide et l’atmosphère tendue ne vous laisseront aucun répit. Quatre acteurs fantastiques incarnent quatre personnages embarqués dans une affaire sordide de crime racial, et qui se retrouveront confrontés à leurs propres préjugés. Un scénario ambigu qui ose le politiquement incorrect mais pose les bonnes questions et laisse matière à réflexion bien après la tombée du rideau.

Un homme blanc et puissant est accusé d’avoir violé une femme noire et pauvre. Cela vous rappelle quelque chose ? Vous avez tort, « Race » a été écrit plus d’un an avant son "remake" au Sofitel de New-York. D’ailleurs, le fait divers n’est dans la pièce qu’un prétexte pour une réflexion beaucoup plus large autour de la question raciale. Qui est discriminé ? Qui profite de qui ? Qu’est-ce qu’un acte raciste ?

Quatre voix pour poser ces questions : deux avocats (un blanc et un noir), un client blanc (l’accusé) et une stagiaire noire. Aucun d’entre eux ne s’estime raciste. Pourtant, l’enquête et le sordide de l’affaire les amèneront à s’interroger sur leurs propres agissements. Pas de grandes déclarations bien-pensantes ici : juste des personnes différentes se débattant avec leurs propres histoires, leurs faiblesses et leurs mensonges.

L’auteur David Mamet est un dramaturge et scénariste américain. Il a notamment écrit le scénario d’un des plus grands succès du réalisateur Brian de Palma « Les Incorruptibles », et ceux de plusieurs autres films à suspense. Rien d’étonnant finalement à ce que « Race » sonne comme un thriller et que les répliques bien senties s’enchaînent sans cesse.

Les acteurs tiennent parfaitement ce rythme intense et les deux avocats (Alain Leempoel et Emile Abossolo M’bo) ont du bagout à revendre. Cela donne parfois l’impression qu’ils surjouent un peu (n’a pas la classe américaine qui veut) mais qu’importe ! Cela convient finalement bien à leurs personnages et ces deux-là tiennent clairement la vedette.

« Race » met parfois mal à l’aise mais sait aussi faire rire. La pièce parvient parfaitement à installer une atmosphère de suspense et de non-dits qui nous fait souvent retenir notre souffle en attendant le prochain rebondissement. Mais la vraie force du spectacle c’est d’utiliser ces atouts pour nous amener à une réflexion concrète sur le racisme qui va au-delà des lieux communs qui nous sont rabâchés habituellement. Réflexion, suspense et rire : voilà les trois ingrédients de ce spectacle intelligent et bien mené auquel nous convie Le Public pour sa rentrée.

Thomas Dechamps