Mercredi 23 février 2022, par Catherine Sokolowski

Pauvre monstre

Petit bijou de délicatesse et de subtilité, le Frankenstein de la compagnie Karyatides touchera petits et grands. Adepte du théâtre d’objets, la troupe juxtapose techniques anciennes et modernes pour magnifier sa prestation. Basés sur l’œuvre de Mary Shelley, les dialogues sont entrecoupés de chants lyriques qui donnent des airs d’opéra à ce spectacle très accessible. La dimension psychologique de Victor Frankenstein et de sa créature sont mis en avant, apportant beaucoup d’humanité à la représentation. En bref, l’excellence !

Victor et Elisabeth ont grandi ensemble, dans « un petit coin de paradis » jusqu’au décès de leur mère qui mis fin à une longue maladie. Victor n’a plus qu’une idée, lui redonner vie. Etudiant en médecine, il entreprend des recherches et expérimente tous azimuts afin de matérialiser cet espoir. Après les animaux, c’est le tour des humains, la créature de Victor Frankenstein prend forme.

Déjà profondément marqué par le décès de sa mère, Victor est confronté à la légitimité de « son » monstre, seul et triste, rejeté de tous, qui voudrait de la compagnie : « Crée-moi une femme ». Mais on n’est pas dans téléfilm américain, il n’y aura malheureusement pas de « happy-end ».

Victor est joué par une actrice (Marie Delhaye) alors qu’un homme (Cyril Briant) endosse le rôle d’Elisabeth, mélange des genres mis en scène par la talentueuse Karine Birgé qui fait écho au féminisme de Mary Shelley. L’évolution des personnages est matérialisée par des petites statues, première manifestation d’une touche humoristique omniprésente. A côté de cela, un pianiste ponctue les échanges, discret et pourtant si fondamental.

Le spectacle a été créé en 2019, parallèlement à l’opéra « Frankenstein » de Mark Grey. La compagnie Karyatides revisite les œuvres majeures de la littérature, ajoutant inventivité, modernité et subtilité aux classiques emblématiques mais un peu poussiéreux. Proposer un spectacle si contemporain en utilisant les fonds de grenier (poupées, statues etc..) tient de la magie, cette version poétique de Frankenstein séduit instantanément.

Photos : © Marie-Françoise Plissart