Patricia

Bruxelles | Théâtre | Théâtre Les Tanneurs

Dates
Du 30 mars au 24 avril 2021
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Les Tanneurs
Rue des Tanneurs, 75 1000 Bruxelles
Contact
http://www.lestanneurs.be
info@lestanneurs.be
+32 2 512 17 84

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Patricia

Vanessa échappe miraculeusement au naufrage qui emporte sa mère et sa grande sœur. Elle venait rejoindre en Europe son père, Jean Iritimbi, qui s’était exilé dix ans auparavant. Celui-ci la retrouve dans un camp de réfugié·e·s en Italie. Elle ne parle plus. Là-bas, personne ne peut dire avec certitude ce qui est arrivé à sa mère et à sa grande sœur. Sont-elles mortes, vivantes ? Jean Iritimbi décide de partir à leur recherche et demande à Patricia de s’occuper de Vanessa. Celle-ci accepte. Le spectacle commence à l’instant où les deux femmes se retrouvent seules. Au pied du mur. Pour combler le vide et tenter un rapprochement, Patricia parle. Au fil des mots, Vanessa se réapproprie la réalité de son histoire, et avec elle, le langage qui lui permettra de revenir dans le monde des humains.

Frédéric Dussenne s’empare de ce magnifique roman de Geneviève Damas, qui pose avec beaucoup de délicatesse la question de l’hospitalité. Tout en conservant le style et la structure chronologique de l’œuvre, il se concentre sur la relation qui naît entre les deux femmes. Celle qui accepte du jour au lendemain de s’occuper d’une jeune inconnue. Celle qui, orpheline à 12 ans, doit accepter de vivre avec une étrangère, d’intégrer un monde qui n’est pas le sien. Patricia et Vanessa, interprétées par Raphaëlle Bruneau et Consolate Sipérius, n’ont que leur corps pour s’apprivoiser et tenter de se comprendre. Mais, à l’image de deux atomes déviés de leur chute par une force irrésistible, quelque chose se noue entre elles, inexorablement, durablement.

Distribution

D’après Patricia de Geneviève Damas, Éditions Gallimard
Avec Raphaëlle Bruneau, Consolate Sipérius
Dramaturgie et mise en scène Frédéric Dussenne
Adaptation Geneviève Damas, Frédéric Dussenne
Assistanat mise en scène Quentin Simon
Chorégraphie Charlotte Villalonga
Création lumière Renaud Ceulemans
Scénographie Vincent Bresmal
Création costumes Romain Delhoux

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Vendredi 18 septembre 2020, par Didier Béclard

Deux femmes se rencontrent

Une quadragénaire parisienne « hérite » d’une gamine centrafricaine de douze ans, tout juste rescapée du naufrage qui a englouti sa sœur et sa mère. Entre la femme qui fait de son mieux et la fille d’une hostilité farouche, se tisse un lien sensible qui replace l’être humain au cœur de la question de l’accueil des migrants.

Une femme seule, debout à côté d’une sorte de cabine en verre transparent. « Ton père vient de partir ! » Elle s’adresse à Vanessa, une enfant de douze ans qui n’a pas l’air très réceptive, qui ne manifeste aucune volonté de faire ce qu’elle lui demande, qui ne semble ne même pas l’entendre.

La femme semble désemparée, ne sait pas trop comment aborder la gamine sans la brusquer. Elle espère entrer en communication avec la jeune fille, se réjouissant même du fait que les mouvements de la voiture font que le visage de Vanessa se tourne, par moment, vers elle. Elle espère une parole entre elle, « sinon que va devenir notre vie ».

Entre-temps, la jeune fille, apparue dans la cabine de verre, pleure, se trémousse, esquisse des gestes qui parfois répondent ou illustrent le monologue de la femme. Celle-ci se souvient de Michel, son père décédé alors qu’elle avait l’âge de Vanessa. Elle évoque un voyage de l’Italie pour rejoindre la France avec un bateau à prendre à Messine et la supplication muette de la jeune fille « pas de bateau, pas de bateau ».

Patricia, puisque c’est d’elle dont il s’agit, a accepté de prendre en charge Vanessa rescapée du naufrage de l’embarcation qui devait lui permettre de traverser la Méditerranée. Le jour où son compagnon, travailleur centrafricain sans passeport, lui a confié sa fille pour partir chercher son autre fille et son épouse disparue en mer, Patricia a découvert qu’il avait déjà une famille. Il n’avait pas tout dit.

Vanessa quitte la cabine de verre et prend la parole à son tour. Elle s’adresse à Jean Iritimbi, son père, puis à Patricia. Elle raconte les rapports tendus avec celle qui désormais veille sur elle, une tension qui s’apaise au fil du temps, son arrivée à Paris, l’idée d’une procédure d’asile, la découverte de l’école, sa rencontre et son amitié avec Hugo. Elle se dévoile aussi, livre sa culpabilité d’être encore en vie juste parce qu’elle est la plus petite et son refus de l’adoption et le deuil impossible de ses « bien-aimés ».

Les deux femmes en détresse ne s’adressent pas la parole, elles parlent tour à tour comme si ce qu’elles avaient à (se) dire ne pouvait pas s’exprimer face face. Sur scène, il n’est pas possible d’embrasser les deux femmes d’un même regard, on n’en voit qu’une à la fois. Chacune dans sa bulle (de verre ?) évite la confrontation, tissant mot à mot, et jusqu’au dernier, la trame des liens et des sentiments qui les unissent pour, finalement, briser le silence.

Inspiré du roman éponyme de Geneviève Damas, « Patricia » n’est pas à proprement parlé une adaptation. L’auteur et le metteur en scène Frédéric Dussene ont préféré « l’utiliser comme matériau et tenter de le mettre en scène sans dénaturer son style et sa structure ». Le texte à deux voix - celle du père a été abandonnée pour se concentrer sur la relation entre les deux femmes -, est chargé d’émotion et d’humanité avec la touche de poésie qui l’empêche de verser dans le drame. Les deux femmes fragiles, admirablement habitées par Consolate Sipérius et Raphaëlle Bruneau, s’apprivoisent peu à peu et construisent, ensemble mais chacune avec son vécu, ses doutes et ses espoirs, leur relation, la seule qui existe ici et maintenant. « On ne commence pas sa vie, on la continue. »

Théâtre Les Tanneurs