Pas pleurer

Bruxelles | Théâtre | Théâtre de Poche

Dates
Du 21 mars au 8 avril 2017
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre de Poche
Chemin du Gymnase, 1A 1000 Bruxelles
Contact
http://www.poche.be
reservation@poche.be
+32 2 649 17 27

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Pas pleurer

« Votre lettre m’enchante. Que vous ayez le désir de monter Pas Pleurer, juste par nécessité, m’enchante. Et que vous donniez le rôle de Montse à la femme que vous aimez m’enchante tout autant. »
Courrier de Lydie Salvayre à Denis Laujol
Pas pleurer a reçu le prix Goncourt 2014.
Il s’agit du récit par Lydie Salvayre, de l’histoire de sa mère Montserrat, – dite Montse –, plongée dans la guerre civile espagnole, à l’été 1936. Montse, qui avait quinze ans à l’époque, en a aujourd’hui nonante. Elle est en proie à de gros troubles de mémoire, et a tout oublié de sa vie, excepté cette courte période.
Devant sa fille, avec qui elle partage « une petite anisette » qu’on devine strictement interdite par les médecins, elle raconte son petit village perdu en Catalogne.
La vie n’y a pas changé depuis le Moyen-Age, rythmée par les récoltes d’olives, les fêtes de village, les mariages arrangés, son frère Joseph, fraîchement converti aux thèses anarchistes et son rival stalinien Diego, les disputes familiales, les premières tentatives de collectivisation, l’irruption de cette idée que, peut-être, tout pourrait changer… Puis la guerre et l’exil... d’Espagne vers la France…
« Pas pleurer », c’est l’injonction que répète Montse à sa petite fille serrée contre elle, sous les bombardements fascistes et dans le dénuement le plus total,
alors qu’elle fuit son pays, l’Espagne, qui tombe aux mains des franquistes.
« Pas pleurer », c’est aussi ce que nous dit Lydie Salvayre, alors que nous avons toutes les raisons de pleurer devant la bêtise humaine, aujourd’hui comme
hier. Ne pas baisser les bras. Ne pas avoir peur.

Distribution

De Lydie Salvayre / Adaptation et mise en scène : Denis Laujol, assisté de Julien Jaillot / Avec : Marie-Aurore d’Awans et Malena Sardi / Création sonore : Malena Sardi / Mouvement : Claire Picard / Scénographie : Olivier Wiame / Lumières : Xavier Lauwers

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6 Messages

  • Pas pleurer

    Le 30 mars 2017 à 00:12 par Aurelia

    Superbe ! Un seul en scène, une histoire qui s’est passée en 1936 et toujours brûlante d’actualité, un brûlage de billet et des idéologies qui se heurtent à la haine humaine mais qui repoussent, toujours, telle une petite plante qui s’accrocherait dans ce tableau intense et rougeoyant de mort et de Vie ! Un système obsolète à remettre en question mais surtout, surtout, la vibration de gens qui vivent vraiment, sans se contenter de survivre seulement ! Trois rappels aux applaudissement, une comédienne au bord des larmes, un public debout. Ça fait du bien de voir qu’il y a encore des gens "debout" ;-) Moi, je ne dirai pas de ne "pas pleurer" mais de rester déterminé dans ses larmes, sans se résigner...Allez la voir ! ;-) C’est jusqu’au 8 avril ! Merci ! :)

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  • Pas pleurer

    Le 13 avril 2017 à 11:38 par cecile2

    Coup de coeur pour cette magnifique adaptation de ce roman.Actrice sublime,musique géniale, une véritable performance !
    Sujet difficile traité avec humour, tendresse et justesse.

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  • Pas pleurer

    Le 25 avril 2017 à 17:15 par izam006

    Quelle présence scénique pour cette actrice ! C’est un monologue, mais on a vraiment l’impression qu’ils sont plusieurs, c’est impressionnant ! On ne s’ennuie pas un instant. A conseiller !

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  • Pas Pleurer

    Le 11 novembre 2018 à 08:46 par mimi5

    Pièce superbement écrite. Mise en scène surprenante. Histoire captivante, racontée de façon divertissante. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde !
    Performance magistrale de la comédienne, habilement assistée d’une musicienne surprenante. Une belle harmonie quasi fusionnelle règne entre les deux artistes pour un spectacle très réussi.

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Dimanche 11 novembre 2018, par Jean Campion

Un Vibrant éloge de la résistance

Originaire du Sud-Ouest de la France, région qui, en 1939, a accueilli honteusement 500.000 réfugiés, Denis Laujol s’est toujours passionné pour la guerre d’Espagne. Ce metteur en scène est persuadé que si l’Europe démocratique n’avait pas laissé massacrer un peuple, en capitulant devant Franco, avant de le faire devant Hitler, l’histoire du XXe siècle aurait pu être différente. "Pas pleurer", qui exalte la ferveur révolutionnaire de l’été 1936, l’a évidemment bouleversé. Tout en stigmatisant les atrocités de la guerre, Lydie Salvayre s’émerveille devant cet été radieux, où Montse, sa mère, "eut l’impression d’exister pleinement et en accord avec le monde". Adaptant son roman à la scène, Denis Laujol pose la question : "Quelques jours d’espoir immense ne comptent-ils pas plus qu’un siècle de désespoir ?"

Jouant tous les rôles, Marie-Aurore d’Awans souligne d’emblée l’indépendance et la fierté de Montse. Après avoir examiné, de la tête aux pieds, la jeune fille de quinze ans, don Jaime Burgos, qui souhaitait engager une nouvelle bonne, déclare :" Elle est bien modeste." Un verdict dédaigneux qui fait bouillir la "mauvaise pauvre". Elle envoie promener sa mère dépitée. Pas question de devenir une bonniche bien bête et bien obéissante ! Son frère Josep soutient sa révolte contre le mépris bourgeois. Ce "rouge et noir" prône la collectivisation des terres, défend des idées anarchistes combattues par les parents et pousse sa soeur à ignorer Diego, le fiancé dont rêve leur mère.

Fascinée par l’idéalisme de son frère, Montse prend son envol. Elle se laisse emporter par le vent de liberté qui souffle sur Barcelone, tombée aux mains des milices libertaires. Une allégresse impossible à décrire. Un souvenir inoubliable ! La jeune paysanne découvre l’anisette, le luxe des palaces et les femmes en pantalon, la cigarette au bec. Pour la première fois de sa vie, elle entend des langues étrangères. "C’est un plaisir de l’âme". Avec André, un Français qui attendait son affectation dans une brigade internationale, elle vit sa première nuit d’amour. Fin de la parenthèse enchantée.

Menaçant cette euphorie, la guerre est là. On la sent dans les bruits d’avions de chasse et dans les imprécations de Georges Bernanos. Le romancier catholique, dont le fils a rejoint les phalangistes, est révolté par la collusion entre les gens d’Eglise et Franco. En voix off, de courts extraits des "Grands cimetières sous la lune" soulignent son indignation croissante. Josep, lui aussi, est écoeuré. L’hilarité de deux meurtriers, fiers d’avoir flingué deux curés trouillards, le paralyse d’effroi. On peut donc tuer des hommes comme des rats. "Sans en éprouver le moindre remords ? Et s’en flatter ?" En 1939, Montse fuira la guerre, sous les bombardements franquistes. Un exode vers la France, avec sa petite fille, à qui elle répète : "Pas pleurer".

Dans ce roman complexe, Denis Laujol a choisi judicieusement des séquences qui reflètent l’énergie vitale de la jeune Montse. Catalane d’origine, Marie-Aurore d’Awans parle parfaitement l’espagnol, ce qui lui permet d’exploiter malicieusement le "fragnol", un mélange hybride de français et d’espagnol. Le décalage entre la langue maîtrisée de la romancière et ce patois truffé de néologismes bizarres et de grossièretés, parlé par sa mère, rend savoureuse et touchante la complicité entre les deux femmes. La comédienne a une présence extraordinaire. Un mouvement du corps, une mimique, un changement de voix permettent à la narratrice de s’effacer derrière un nouveau personnage. En revivant l’engouement des élans anarchistes, elle s’enflamme. Il faut la voir électriser la scène, en brûlant de l’argent, sur un rock effréné. Sa connivence avec Malena Sardi est précieuse. Guitariste, utilisant parfois l’archet, la musicienne met en exergue la vigueur du récit. Autre atout : une scénographie raffinée. Pour suggérer l’environnement de la nonagénaire fatiguée, de discrets cris d’écoliers. Au lieu des images de guerre attendues, des tableaux abstraits inspirés à Olivier Wiame, par des peintres catalans. "Pas pleurer" a obtenu le prix Goncourt (2014). Son adaptation scénique mérite le grand succès qu’elle remporte, depuis sa création (2017). Dans un monde où les dictatures ont le vent en poupe, on se sent régénérés par cet éloge de la résistance.

Jean Campion

Théâtre de Poche