Jeudi 24 janvier 2013, par Palmina Di Meo

PREMIERE - LE SAC DE FARINE de Kadija Leclere - Sortie nationale le 16 janvier. (Prix du jury et prix du scénario au festival du film indépendant de Bruxelles).

Il était une fois une petite fille marocaine abandonnée dans un couvent en Belgique. La solitude pèse sur l’enfant qui rêve d’un vrai foyer. Un jour, son père vient la chercher pour la ramener au pays... Le premier long métrage de Kadija Leclere se présente comme une épopée dans laquelle la cinéaste cerne les contradictions et les richesses de sa dualité culturelle.

Lorsque la petite Sarah se réveille au Maroc alors qu’on lui avait promis un week-end à Paris, la déception est cuisante. Une famille d’accueil, la misère, le tricot pour seul apprentissage scolaire : tel sera désormais son lot. Pour se faire accepter, il faut contribuer financièrement. Car son père a depuis longtemps oublié d’envoyer de l’argent. Sarah apprend vite le petit commerce de la laine, des menus travaux manuels. De quoi ramener le sac de farine nécessaire à la survie du groupe... et forger un caractère.

Le film marque un temps d’arrêt sur les révoltes contre la faim de 1984 qui furent sanglantes. Dans ce contexte, l’héroïne découvre l’amour à dix-sept ans en la personne de Nari, un étudiant qui se bat pour le libre accès aux études universitaires. Interpellée par la question, Sarah aide les militants en rédigeant des slogans en français. Mais il faut aussi lutter contre les mariages arrangés et trouver de nouveaux prétextes pour éloigner les prétendants qui frappent à la porte. De belles séquences de solidarité féminine atténuent toutefois l’aridité de son destin de femme.

Le pivot du film est la question du choix. Mais choisit-on vraiment ? Lorsque l’occasion se présente de quitter cette terre sèche, rouge et belle à la fois, la décision est déjà prise. Sarah acceptera un compromis pour revenir vers le pays qui lui offre la liberté à laquelle elle aspire.

Comme l’histoire, le film est le résultat d’un long accouchement. De l’idée à la présentation au public, il a fallu cinq ans à Kadija Leclere pour concrétiser son projet. Connue en tant que directrice de casting, le choix des acteurs est sans faille. La maturité de jeu de la toute jeune Rania Mellouli (Sarah enfant - prix d’interprétation féminine au festival du film indépendant) a immédiatement séduit la réalisatrice : "Avec elle, aucune prise n’est à jeter".

Lors de sa présentation en avant-première au Bozar, le film a suscité de vives discussions. Quelques femmes maghrébines présentes dans la salle ont critiqué le regard pessimiste de la cinéaste sur leur pays, l’accusant d’avoir noirci la réalité. Kadija Leclere a précisé qu’il s’agit d’un témoignage individuel. Aidée par Pierre-Olivier Mornas, elle a construit une intrigue romanesque mais qui se fonde sur des situations vécues. Excédée par les attaques, la réalisatrice a quitté la salle. Dans l’ensemble, le film a été favorablement reçu par le public touché par les mésaventures de cette jeune femme démunie tout comme par la beauté et le talent des acteurs. Un seul hiatus : le procédé narratif sur le modèle du conte de fée qui laisse un arrière-goût de démodé chez certains. Mais c’est là peut-être que réside le charme...

Palmina Di Meo