Jeudi 17 novembre 2022, par Palmina Di Meo

Outrage pour bonne fortune

Un plateau nu. On distingue vaguement un chiffon dans un angle (une signature de Héloïse Ravet ?). Soudain un couloir s’illumine côté entrée des spectateurs, une nonne déboule, bruyante, les bras chargés de crucifix rudimentaires et multicolores.

Il s’agit de décorer cette abbaye perdue dans les Alpes italiennes. C’est là que vivent une nonne et un moine dans une parfaite quiétude où les plaisirs de bouche viennent rompre la monotonie des rites. Mais cette paix sera bientôt brisée par l’arrivée d’un Pape, rescapé du crash d’un avion du Vatican dans la montagne voisine. Ce dont il ne se doute pas, c’est que l’accident a réveillé les fantômes d’un couple d’alpinistes furieux d’avoir été violemment arrachés à la vie à la suite d’une chute.

Diplômée de l’Insas en 2020, Héloïse Ravet avait déjà présenté un premier opuscule pour 3 acteurs, "Le gigot" sur la solitude des cœurs à l’occasion d’un mariage dans le cadre du Festival Courants d’air en 2018.
Elle reprend un travail avec 3 acteurs dans "Larrons en baskets bleues" présenté aux Tanneurs en mars 2022, une étude des mouvements d’imitation à travers une commémoration à la mémoire d’Elvis Presley par des fans qui s’avère être un hymne à la faiblesse, à la tentative désespérée du dépassement de soi.

Dans "Outrage pour bonne fortune", elle approfondit une forme théâtrale basée sur l’esquisse. Texte embryonnaire, bruitages de voix, la dramaturgie surgit du matériau scénique et non d’une narration linéaire. L’objectif est ici de faire se rencontrer visible et invisible, apparence et aspirations intimes. Par des ruptures de rythme, d’ambiances, de couleurs, elle parvient à faire émerger les blessures d’un monde qui peut paraître paisible et rassasié.

Rien de raisonné dans ce théâtre de confrontation mais des sensations, des images et des variations qui suscitent des émotions et des questions. Rien d’austère non plus mais un tragique de situation où perce un humour caustique, absurde, une prise de conscience de l’inertie de nos vies ?

Héloïse Ravet et Les Saintes patronnes, une histoire d’exploration de l’intime au travers de tableaux où les fils dramaturgiques éclosent de notes colorées comme les pigments d’une naissance à soi.

Palmina Di Meo