Lundi 24 novembre 2014, par Charles-Henry Boland

On ne badine pas avec Musset

Nouveau spectacle du metteur en scène Benoît Verhaert, On ne badine avec l’amour propose une approche moderne de la célèbre pièce d’Alfred de Musset. Une scénographie sobre, un duo de comédiens efficace, une langue d’une beauté intemporelle, reste que cette version d’une pièce mêlant comédie et drame pêche par un style frôlant parfois la trivialité.

Deux hommes vêtus de noir ouvrent la pièce. Ces maîtres de cérémonies (Benoit Verhaert et Vincent Raoult ) se chargeront des personnages secondaires, du bruitage des scène et du déplacement des projecteurs. L’un d’eux poussera même la chansonnette. Quelques échanges et l’on comprend dès les premiers instants que ces deux-là vont distiller une dose d’humour dans le spectacle. Puis c’est l’entrée de Perdican (Samuel Seynave) et Camille (Julie Lenain). Dans le fond, l’histoire est bien simple. Perdican doit (et veut) épouser Camille, mais celle-ci se promet un avenir dans un couvent. Il éprouve durement son refus, elle se met à douter. Désirant la rendre jalouse, Perdican use de la pauvre Rosette (Lormelle Merdrignac) et de ses humbles sentiments. Après une ultime scène de ménage pré-maritale, Camille et Perdican s’aiment mais la brave Rosette, trompée dans son amour sincère, se suicide. Ce qui pourrait passer pour une simple intrigue est sublimé par la langue de Musset, dont Benoît Verhaert a gardé la plume intacte lors des scènes des deux amants et de Rosette. En revanche, les interventions des personnages secondaires abandonnent les dialogues originaux pour épouser un style ramassé, franchement moderne et quelquefois grivois. Ces instants de second degré et d’apartés avec le public, s’ils font rire, ne contribuent pas à installer le climat qu’il aurait fallu atteindre pour nous faire sentir l’issue tragique de cette pièce.

Si la légèreté adoptée est éminemment sympathique, elle ne semble pas totalement cohérente ni constante au sein de la proposition. Ce décalage entre humour et passion sert-il vraiment la puissance du texte ? Non qu’il faille respecter les œuvres du grand répertoires comme s’ils fussent gravés dans le marbre , mais comment recevoir une fin aussi tragique et brutale après tant d’épisodes drolatiques ? La pièce ne manque pas d’humour, mais peut-être n’en manque-t-elle pas assez...

Charles-Henry Boland