Patrick Chamoiseau est un écrivain français originaire de la Martinique, auteur engagé et poète de l’écologie. Clin d’œil à Pierre Rabhi et à son « mouvement colibri » basé sur cette légende amérindienne, l’auteur met en scène « Les neuf consciences du malfini », un grand rapace antillais plein de superbe et de toute puissance démoniaque.
Ce rapace dévore toute chair vivante avec une violence arrogante et ses vaniteux appétits guerriers n’ont pas de limite. « J’aime frapper les chairs chaudes ! » Face à lui, Foufou le colibri qui se nourrit des vibrations du monde, de tout ce qu’il écoute, goûte, touche, regarde, respire et réfléchit. « La poussière des fleurs est-elle la vie ? » … parole d’abeille qui conditionne la survie de ce monde ? Soudain le rapace aperçoit « le petit maître » joyeux, dénué de toute crainte, qui vaque à ses occupations. Soudain il observe la nature autour de lui. Un arbre cachait la forêt ! La colère fait place au doute puis à la curiosité et à l’intérêt. Il renie son genre de vie, rendu sensible aux vibrations de couleurs, de parfums et d’émotions qui se correspondent. Très Baudelairien ! Foufou, le petit colibri, vit « au-delà » de son alaya, son inconscient collectif, son code génétique, ses pulsions, ses instincts, son ego, son déterminisme. Lorsque le malfini se met en quête de l’autre, il s’élève et éveille peu à peu toutes ses consciences, et permet ainsi à la Vie de continuer à vibrer, toute arrogance bue. « Je compris encore mieux à quel point les vies se tiennent, combien nulle n’est centrale, plus digne, plus importante. Elles portent les même couleurs. Elles se lient, se relient, se rallient, se relaient et se relatent avec les même couleurs. » L’harmonie ne peut se réaliser que par l’empathie avec les autres, dans la diversité. Le rêve est vaste !
Transposé sur le plateau de la Clarencière, cela se traduit par un décor au départ brumeux, on ne sait si c’est du ciel ou de l’océan, une lumière diffuse bleue. Une femme statufiée à gauche parle, en cachant son visage, pantalon et tunique couleur terre. Elle est pieds nus et porte des lunettes de myope. « C’était au temps de ma splendeur barbare ! » On s’aperçoit que le lieu est recouvert de papier bulle et cela fait penser à une salle de rebirth. Quelques accessoires, une marionnette improvisée, une très bonne sonographie et des jeux de lumière la métamorphosent tour à tour en oiseau prédateur et en colibri, nouveau maître à penser. Le spectacle imprévisible fascine, interroge, touche. Il est à la fois bruissant et silencieux. Il est pari de fraternité et d’ouverture à l’autre.
La lecture de Marie Carmen de Zaldo est très intelligente et intelligible, malgré une projection dans un monde poétique pas forcément facile d’accès. Du côté spectateur, on se sent aussi regardé, interrogé, touché par la magie théâtrale faite oiseau, image du vivant ? de l’esprit ? de l’utopie ? « Comme nous ne cherchions rien, nous découvrions tout. Comme nous n’allions nulle part, nous arrivions partout... »