Samedi 4 octobre 2014, par Charles-Henry Boland

Nostalgie des cités

Pièce d’ouverture de la saison du Rideau de Bruxelles, La Vraie Vie singe délicatement nos contemporains habités par le démon du retour à la nature. Satyrique et contemplative, jouissant d’une ambiance certaine et de passages réussis, cette œuvre pèche cependant par son manque d’audace. Pour être divertissante, La Vraie Vie ne convainc pas totalement.

Qu’est-ce que la vraie vie ? Que recherchent ces citadins qui abandonnent les agréments et distractions de la civilisation pour embrasser un état de nature le plus rudimentaire ?
L’auteur entend tordre le coup à cette idée bien fragile des voyages salvateurs. Nous souscrivons facilement à l’idée que le dépouillement conduit à se rapprocher d’une vie plus authentique et vertueuse. Sauf que ces départs soudains des rats des villes vers les contrées les plus reculées du globe ne trompent souvent personne : si notre existence est ternie, c’est à l’intérieur de soi qu’il faut œuvrer et non en changeant simplement le décor.

Pour être intéressant, le point de départ est malheureusement sous-exploité. Ni engagé ni humoristique, le texte manque de force, semblant survoler ce qu’il voudrait nous dire. Si les monologues - portés par des comédiens convaincants - sont capables d’installer la complexité des personnages, ces derniers se montrent moins consistants dans leurs interactions. La mise en scène parvient également à créer de vrais moments de tensions, mais les quelques traits d’humour et ruptures du quatrième mur ne contribuent pas à ce que tout ceci soit pris au sérieux, car à l’évidence l’auteur ne cherche pas à traiter son sujet avec trivialité. En somme, nous sommes en quête d’un enjeu, d’une nécessité du propos qui peine à voir le jour.

A défaut de nous faire réfléchir, il faut reconnaître que La Vraie Vie réussit le pari de nous faire voyager. Sans être époustouflante, la scénographie possède quelques atouts. Baigné dans une toile de fond d’un bleu turquoise apaisant, un monticule de sable recouvre le centre de la scène. La sonorisation ponctuelle habille l’espace d’une ambiance tropicale, sauvage et profonde. L’on se transporte facilement dans un climat chaud et envoûtant. Mentionnons une nouvelle fois les monologues de nos protagonistes qui, appuyés par une lumière plus concentrée et intime, parviennent à éveiller l’imagination et transporter l’esprit le temps d’une histoire. Dommage que ces instants suggestifs n’imprègnent pas toute l’œuvre, affaiblie qu’elle est par une légèreté de traitement qui, pour être bienveillante, ne contribue pas à la solidité de l’ensemble.

Charles-Henry Boland