Lundi 5 juin 2006, par Xavier Campion

Nathalie Maufroy et Florine Delory

Récemment sorties de La Cambre ENSAV, Nathalie Maufroy et Florine Delory sont deux jeunes scénographes très prometteuses. En créant leur « Foire aux Monstres », elles revisitent les angoisses de la vie de l’homme.

Qu’est-ce que la foire aux Monstres ?

Florine
 : La foire aux Monstres, c’est un parcours individuel de huit cellules mystérieuses dans lesquelles le spectateur entre et sort pour vivre une« voyage initiatique » et se confronter à ses peurs.
Nathalie : Pendant 24 minutes, le spectateur est invité à passer de boîtes en boîtes. Chacune d’elles referme une angoisse de la vie de l’homme. Le spectacle espère proposer au spectateur une certaine réflexion sur sa vie et ce qui la constitue.

Florine : A l’extérieur des boîtes, un bonimenteur accueille les gens et donne aux spectateurs tous les éléments pour pouvoir faire le parcours : un mode d’emploi, une lampe frontale, des indications à suivre...

Comment est né le projet ?

Nathalie : La dernière année en scénographie à La Cambre est une année libre où on l’on proposer énormément de chose. L’idée de travailler ensemble est venue assez naturellement en mai 2005…


Florine
 : On avait eu l’occasion de travailler ensemble sur d’autres projets, et on s’est rendues compte que ça marchait assez bien, qu’on était deux bonnes énergies qui se rencontrent...

Nathalie : Et donc on a cherché un thème, et cette idée de foire aux monstres a vite fait surface. Petit à petit, on a réfléchi à qu’est-ce que pouvait être une foire aux monstres, qu’est-ce que pouvaient être ces monstres. On a cherché du côté des peurs, pas mal dans la mythologie, dans la psychanalyse aussi. Puis on en est venues à réfléchir sur les angoisses de façon plus large, et à travailler sur l’homme, et ses angoisses primordiales dans la vie. Parallèlement à cette envie de travailler sur un projet itinérant, nous avions envie de faire des sortes de cérémonies de naissances de monstres aux soirs de pleines lunes. Cela nous a permis d’établir des étapes de travail, des échéances publiques de façon à avoir des retours concrets sur un travail effectué.
Florine : Chaque naissance de monstres était en réalité une réflexion sur une angoisse, l’une après l’autre.


Pourriez-vous nous présenter un peu chaque monstre, et son rapport au thème de l’angoisse ?

Nathalie : Il y a donc Déméter : la naissance, puis Narcisse : l’identité corporelle, Icare : la liberté et l’enfermement, Pythonisse : les choix (et le destin), Eve : le sexe, Aphrodite : l’amour, Pandore : la vieillesse, et enfin Meduse : la mort. La foire aux monstres, notre projet final regroupe ces huit monstres, ces huits « angoisses ».

Comment vous êtes-vous tournées vers la performance ?


Nathalie
 : Le processus vers la performance s’est fait un peu par hasard. Dans la première naissance de monstre (le « monstre » de cette pleine lune était donc Démétère ou l’angoisse liée à la naissance), nous avions imaginé une installation-performance au milieu d’autres installations visuelles, plastiques ou sensorielles. Il s’agissait plus d’un tableau vivant que d’une performance ; un performeur en position fœtale dans une bassine de lait racontait des mythes cosmogoniques. On s’est alors rendues compte que c’était beaucoup plus fort en émotions d’avoir une personne dans une installation racontant quelque chose, que cela apportait une autre dimension plus théâtrale.

Cela nous a guidé pour les autres naissances, chaque installation-performance posait une réflexion sur une des facettes du thème abordé. Ainsi, pour l’identité corporelle on a réfléchi sur l’odeur du corps, sur la découverte le corps, comment il fonctionne, sur le rapport narcissique, ou le complexe du miroir, le cannibalisme, la commercialisation du corps, l’acceptation de soi, etc.. .Il y avait différentes choses traitées et différentes installations-tableaux-performances à partir de ça.

Et le rapport au public ? C’est la découverte de la force du face-à-face avec le performeur qui a orienté les étapes suivantes ?

Nathalie : Oui, pour rester logique avec les étapes de travail nous voulions travailler sur la personnification de l’angoisse dans une installation assez simple, le rapport émotionnel et humain. Les boîtes et le dispositif de la foire au monstres ont découlé de toutes les pleines lunes et de leurs performances-installations .
Florine : Par rapport au public on avait envie d’un rapport très personnel, où le spectateur se retrouve seul face à un questionnement humain.
Nathalie : C’est quelque chose que nous voulions depuis le début. Si on parle de la vie de l’homme, chacun ne connaît que la sienne, et ne connaîtra jamais que la sienne, en tout cas dans cette vie-ci !

Quelles sont les réactions des spectateurs ?


Nathalie
 : Les réactions sont assez différentes. Il y a des boîtes que certains aiment beaucoup, d’autres pas du tout, mais ce ne sont pas les mêmes, ça dépend de chacun...

Florine : Ça dépend si ça vient d’un homme ou d’une femme, de l’âge de la personne. Nous par exemple ayant la vingtaine, c’était difficile de dire comment traiter la vieillesse. Une personne de notre âge qui entre dans cette boîte la vit différemment qu’une personne qui est effectivement touchée par des maladies, ou qui travaille dans le corps médical. C’était assez difficile que chaque boîte puisse parler d’une façon ou d’une autre à chacun.

Quelles ont été vos sources ? Vos influences ?

Florine : On a écumé les bibliothèques, on s’inspirait un peu de tout, de psychologie, des mythes, de contes populaires, de symboles, les croyances religieuses, l’art en mouvement,.. on a également puisé dans notre propre vécu et nos émotions.

Pourriez-vous nous parler des comédiens qui participent au projet ?

Nathalie : On s’est entourées de comédiens depuis le début du projet, et au final il y a eu vraiment beaucoup de gens qui nous ont soutenues, notamment ces gens qui ont participé aux naissances de monstres.
Pour la Foire aux Monstres, il y a sept comédiens, avec le bonimenteur, donc six dans les huit boîtes. Il n’y en a pas dans les boîtes de la naissance et de la mort, cela nous semblait important que le spectateur se retrouve seul dans ces boîtes. Les 7 comédiens sont de l’INSAS, de l’IAD et du Conservatoire, ce sont avant tous des amis ou des amis d’amis. Ils correspondaient à tel ou tel profil en fonction de l’image qu’on désirait qu’ils incarnent, ils étaient disponibles et le projet les intéressait.

Il y a François Demoulin dans le personnage du bonimenteur, Guillaume Dumont fait Narcisse, Martin Firket dans la boîte d’Icare (il sera remplacé à la chapelle de Boondael par Gabriel Da Costa), Alexandre Dewez pour Pythonisse, Elfie Dirant en Eve (avec comme remplaçante potentielle Chloé Périlleux), Cécile Vangriecken dans la boite d’Aphrodite et Marie Ouguergouz (qui sera remplacée à la chapelle de Boendaal par Marion N-Guyen).

Propos recueillis par Jeanne Boute et Virginia Petranto

Installations/performances/Parcours individuels et interactifs

La foire aux Monstres sera présente à la chapelle de Boondael dans le cadre du festival « Mais qu’est-ce qu’elles font ? » le 24 octobre de 17h à 19h, et les 25, 26, 27 octobre de 17h à 19h et de 20h30 à 22h30 . Réservations souhaitées au 0487/54.13.66.

Des représentations sont également prévues dans le cadre du "Festival des Libertés". Elles auront lieu le 10 novembre de 19h à 21h, le 11 novembre de 18h à 20h et le 18 novembre de 18h à 20h .
Entrée gratuite.